mardi 4 mai 2010

AnaCo 2 - Les chicards - Elimination de los feos

Didier de Lannoy
Vieux Didier s'intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille (avec Zora Lee et bus 96)
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 2
Deuxième compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant toujours le beau rôle, la vie dure qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac




Sur l'agence AnaCo, voir aussi:
http://anaco1.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/


Sur le Congo, voir aussi (notamment):



Les chicards


Est-ce bien lui, Achille Chavée, qui pose, en juillet 1939, avec

- Tous debout ! Costumés, cravatés, empesés, gominés ! Tous camarades ! Tous accoudés ! Pénétrés, inspirés, imprégnés, visités ! Se retenant d’ouvrir la bouche, de sourire et de montrer les dents ! Avec des cols amidonés, des montres-bracelets, des bagues, des pochettes, des porteplumes et un gilet !

- Y en a quand même un qui s’est assis sur une chaise devant le buffet, le coffre-fort ou le tabernacle, non ? Et qui ne porte pas de cravate et qui se gratte les couilles, non ?

- Oui, mais s’agit-il d’Achille ?

quatre autres gandins autour d’un buste d’Arthur Rimbaud et qui se retrouve en page de couverture du numéro 144 du bimestriel des lettres belges de langue française, « Le Carnet et les Instants », en octobre-novembre 2006 ?

Et qu’est-ce que j’en pense, moi ?

- J’en pense qu’Achille Chavée et ses copains ne sont évidemment pas là par hasard… Je pense qu’ils se sont téléphonés et qu’ils se sont donnés rendez-vous, non ? Tel jour et à telle heure, non ? Et qu’ils se sont cotisés pour demander à un photographe d’immortaliser l’évènement, non ? Je pense qu’il y a eu complot, non ?


Peut-être attendent-ils qu’une porte

- D’un buffet, d’un coffre-fort ou d’un tabernacle ?

s’ouvre et qu’une muse ou un génie s’en échappe… Peut-être espèrent-ils qu’un parrain les adoube… Peut-être rêvent-ils d’être, à leur tour, embustés…

Peut-être attendent-ils que la guerre (celle d’Espagne se termine à peine, l’autre déjà se profile) recommence…


Je, deuxième.


Ta vie trop remplie,

Jean-Emile, il va (bien) falloir que tu la racontes (bien) à Vieux Didier, non ? Il est (grand) temps que tu la lui livres…

- Aie confiance, Jean-Emile !

- Aïe ! interrompt Jipéji

- Prends des risques, Jean-Emile ! Ouvre tes armoires et renverse tes tiroirs ! Laisse-moi te perquisitionner !


Portes-tu des broches dans les jambes et des balafres ou des cicatrices ou des tatouages sur la poitrine, les bras ou les fesses, comme autant de souvenirs et de décorations ? As-tu été mis au monde, à la prison de Lantin, un an, jour pour jour, avant ton premier anniversaire ? Tes grand-parents sont-ils morts de la grippe espagnole, pendant la première guerre mondiale et demi, au cours de l’hiver 1918-1919 ?

- Je flotte…Je ratisse large…Je n’ai aucune piste, aucun point de repère… pas d’indices, ni de boussole… Je cherche tous azimuths, en plein brouillard…Je tatonne… J’essaie…Je patauge dans le mazout…

As-tu survécu à un cancer de l’œil (qui fort heureusement n’a jamais gagné le foie) à l’âge de quatre ans ? As-tu eu une grand-tante qui te tricotait des chaussettes, des bas trois-quart et des pulls ? Et est-ce la même personne qui te conduisait à l’école et venait t’y rechercher ? Te préparait-elle des tartines aux œufs et des pommes de terre au lard ? As-tu, quand tu portais des culottes courtes, observé sournoisement, en te cachant, les corbeaux qui ouvraient à coups de bec le crâne des écureuils et des levrauts, détruisaient les nids et cassaient les oeufs des oiseaux dans les Fagnes ? As-tu, à l’âge de dix ans, failli être étouffé dans ton lit, avec un oreiller, par la maîtresse d’un vicaire affecté

- Ça ne s’invente pas !

à l’église de Chattequeue à Seraing (qui a déclaré aux correspondants locaux de l’INR et de la Nation belge ne pas être en mesure d’expliquer son geste) ? As-tu gagné ta vie en cirant les chaussures dans les rues de Grâce-Berleur après l'école ? As-tu déposé quelques dalles sur les voies de chemin de fer et attendu patiemment, assis sur le talus, de voir un train venant d’Allemagne dérailler ? Es-tu originaire (biffer la mention inutile) de Vivoorde, de Clabecq, de Forest ou de Jupille, une région difficile ? As-tu eu quelques problèmes (biffer la mention inutile) avec tes parents, tes professeurs, les filles, la direction de ton usine, la police ? T’en es-tu sorti grâce (biffer la mention inutile) au football, à la prière, à Viviane, à la bière ? As-tu, à l’âge de 14 ans, été soupçonné d’avoir volé des soutiens-gorge et des petite culottes des religieuses de l’école des filles pour te vider dedans ? Et as-tu commencé ta vie d’ouvrier à cet âge-là ? As-tu mis du gros sel au fond des poches de ton blouson pour te protéger du mauvais œil et as-tu braqué un magasin de bonbons et tendu

- Remplis ! Et n’oublie pas les Chupa-chups et les lards !

un sac en plastique à la vendeuse qui portait un chemisier en sucre d’orge, rosâtre transparent ?

As-tu été agressé, un samedi après-midi, à l’âge de seize ans, devant la patinoire de Montignies-sur-Sambre par un éducateur social qui arborait un porte-jarretelles (ou des zigidas) autour des hanches, en dessous de ses jeans, et qui disait aimer la jeunesse et avoir confiance en l’avenir de l’humanité ? As-tu laissé la bagnole des flics arriver à la hauteur de ta caisse et, d’un violent coup de volant, les as-tu « tassés » contre une Mercedes en stationnement ? T’es-tu renseigné sur la vie spirituelle des ânes et leurs habitudes alimentaires pour le compte de la F.A.O. ? As-tu assommé (avec la manivelle du rideau de fer la sacristie) un confesseur qui te claquait au nez la fenêtre grillagée de son confessionnal et te refusait l’absolution ? As-tu pleuré au cimetière, agenouillé à côte de quelqu’un que tu ne connaissais pas, devant la tombe d’un parfait inconnu et as-tu reçu une pièce de cinq francs en remerciement de cet acte de charité ? Vas-tu régulièrement pisser sur le tronc d’un arbre que tu as planté plusieurs années auparavant ? As-tu déjà composé de la musique pour pianola ? As-tu, avant d’élaguer ton premier crucifix, pensé à cracher dans tes mains pour mieux tenir le manche ?


As-tu fouillé les poubelles pour y trouver des déchets de nourriture, sniffé de l'essence, fait la manche et picolé dans un couloir de la gare des Guillemins ? As-tu mangé une portion de frites et deux boulettes de viande hachée sauce tomate et consommé trois lignes de coke pour te remettre les idées en place et vomi dans un avaloir, souillé tes vêtements, éclaboussé tes chaussures, escaladé un muret et dormi dans le parc de la Bouverie ? As-tu volé un zèbre, une antilope et trois chimpanzés au zoo d'Antwerpen (as-tu volé des sanitaires dans la maison de campagne d’une riche Hollandais) ? As-tu rencontré Viviane à la cour de récré, dans un champ de maïs, au bureau, dans le train, à l’église, dans un couvent, au parloir de la prison de Lantin, à la gare d’Esneux, dans une salle d’attente de l’hôpital de la Citadelle ou sur le marché de la Batte ? Lui as-tu immédiatement proposé le mariage avant de subitement te rétracter et d’épouser la fille d’un producteur de télévision ? As-tu rompu avec cette abominable cocotte après la réalisation de ton premier film et as-tu alors grimpé les 374 marches de l’escalier de la Montagne de Bueren et entrepris à pied un voyage de deux cent lieues (avec escale dans les estaminets de tous les villages traversés) pour obtenir le pardon de Viviane ?


As-tu, dans une autre vie, été ordonné pasteur de l'Eglise évangélique du Sang précieux à Matonge (Kalamu), à vingt-neuf ans, le jour même de la fête de l'Annonciation et réquisitionné, deux ans plus tard, pour donner

- Depuis quand les pasteurs congolais peuvent-ils exercer leur art en Europe sans un visa Schengen ?

l’extrême onction à un taureau de combat qui s’était montré particulièrement valeureux dans les arènes de Nîmes ou de Valencia ? As-tu été kidnappé par des hiboux (ils étaient quatre ou cinq, chaussés de combat-shoes et armés de fusils et de révolvers, encagoulés, gantés, vêtus de noir et portant sur le front des lampes de spéléologue) à l’âge de vingt-et-un an et t’ont-ils séquestré pendant trois semaines dans une chambre du home III du campus de l’Unikin et

- Sorry ! C’était une erreur !

relâché peu de temps après, en caleçon, à proximité du cimetière de

- Quel est votre choix ? Où sont vos préférences ? Concession musulmane, pelouse juive, parcelle chrétienne orthodoxe ? Au pied d’un baobab, d’un iroko ou d’un kapokier ?

de Noépé, d’Aképé ou d’Adidogomé ? T’ont-ils laissé pour mort sur le bas-côté de la route, entre Spa et Mopti ? Es-tu grimpé au sommet d’un arbre béninois pour y décrocher une sorcière et lui mordiller les nez et les oreilles ? As-tu déjà vu des lézards nigérians et des crapauds ghanéens s'accoupler ? As-tu croisé le regard d’une gazelle

- Toutes les gazelles ne s’appellent pas Khaoula !

gazelle ou d’une antilope dans les couloirs de l’hôtel Ivoire à Abidjan ou de l’hôtel « La Rivière » à Boma ? As-tu participé à un racket sur la vente des bonbonnes de gaz dans la favela Kelson à Rio ? As-tu enfilé des gants de vaisselle pour ramasser (écartant à la rame une épaisse couche de détritus) des cadavres flottant dans l’océan Indien ? As-tu fracturé un tabernacle (dont se sont échappés des rats roses et blancs comme des lapins) et caché le produit de tes larcins dans une dame-jeanne enterrée en dessous des rails d’une station de métro de Mexico envahie par le sable ou la boue, les G.I’s et les églises pentecôtiste ?


T’es-tu réfugié en Hollande après la révocation de l’Edit de Nantes ? As-tu été banni de France, chassé de Prusse, exclu du Parti ? As-tu, par esprit de fronderie et pour une année seulement, décidé de changer de sexe (t’es-tu fait implanter

- Préférez-vous simuler une grossesse en portant une prothèse ou vous faire greffer la vraie grossesse de quelqu’un d’autre ?

les seins de Zora Lee

- Ah, le cochon ! s’insurge Viviane…

pour mieux pouvoir te les tripoter toute la journée ?) (des seins en liberté qui rebondissaient sur sa poitrine comme des balles de tennis neuves…) à trente-huit ans. Es-tu mort d’un choc anaphylactique

- Ana quoi ? demande Viviane… Qu’est-ce qu’Ana vient faire dans cette histoire ?

après une journée de ski, à quarante ans ? As-tu connu quelques moments difficiles dans ta vie et t’es-tu trouvé obligé de fracturer la porte d’un camion, place Solvay, à Schaerbeek, pour en voler le GPS (et enfin retrouver ton chemin)… de même que le thermos et la boîte à tartines du chauffeur (et enfin rompre ton jeune du Ramadan) ?


Es-tu mort étouffé en avalant une balle de golf ou en mangeant

- Chaud, s’il vous plaît ! Chaud, avec des frites et une sauce andalouse !

du cervelas dans une friterie de Grivegnée ou de Châtelineau ? As-tu été licencié par ton employeur et as-tu, alors, sollicité le réconfort de Viviane et de la religion ? As-tu reçu une paire de boutons de manchette en aluminium pour ton cinquantième anniversaire ? As-tu abattu les policiers qui se portaient au secours des victimes d’un incendie ? As-tu évité de justesse la pendaison en 1986, le peloton d'exécution en 1989 et l'injection létale en 1995 ? As-tu subi une opération du coeur pour te remonter les paupières ? As-tu salé l’eau de ta baignoire pour y élever des tortues de mer ? As-tu été traité de Belge par des nationalistes corses

- Vous les Belges, vous mangez trop de sel ! Vous les Belges, vous ne mettez jamais de lait dans votre café ! Vous les Belges, vous vous payez des couites…

- Des quoi ?

- Des couites ! Oui ! C’est comme ça que vous dites, non ? Vous vous payez des couites et vous n’êtes même pas capables de les prononcer correctement !

As-tu, durant ta vie entière, éprouvé tout le mal du monde à rencontrer les pires difficultés ?


Lianja, un vélo, un poteau (ou une gouttière ou un calvaire), un chien et une sacoche de facteur


Une bécane est menottée à un poteau ou à une gouttière ou à un calvaire.

La bicyclette patiente… patiente… patiente…

Couché à ses pieds, un chien sans maître (qu’un facteur a libéré de sa laisse) lui tient compagnie. Et la sacoche de facteur abandonnée par son porteur (poursuivi par le chien) se joint rapidement au petit groupe.

Que peuvent-ils bien comploter ?


Mais quand, deux ou trois heures après, Lianja vient rechercher son vélo, il ne retrouve plus le poteau, ni la gouttière, ni le calvaire…

- Mon prochaine monture sera une voiture blindée ou un char d’assaut ! Je l’accrocherai à un tronc d’arbre ou à un réverbère ! Ce sera moins facile à arracher !

Le chien et la sacoche du facteur ont également disparu….


Hôtel Mississipi à Bandalungwa


Le Mississipi ?

Ainsi donc le papa de Bobo (un « cousin » d’Olivier Engulu, le mari d’Hortense) serait le propriétaire de l’hôtel Mississipi ? L’est-il encore ? Est-il toujours vivant ?

Est-ce lui, le papa de Bobo, que Vieux Didier et Tantine Betena avaient rencontré à Bandalungwa, dans une parcelle, le long du boulevard Kasavubu ? Et qui les avait très bien reçus et leur avait remis les manuscrits de deux ouvrages ?

- Prenez-les et gardez-les ! Seulement pour lire… mais si vous connaissez quelqu’un, si vous pouvez faire quelque chose…

C’était il y a vingt ans. Vieux Didier et Tantine Betena ne connaissaient personne dans les milieux de l’édition, ils ne voyaient vraiment pas ce qu’ils pouvaient faire, ils ne pouvaient rien promettre… et n’ont rien promis et n’ont

- Même pas fait appel à Jipéji ?

- Nous avons bien essayé, sans doute… mais il nous a sûrement répondu qu’il était trop pris… et qu’il avait déjà donné…

rien tenu… mais Vieux Didier et Motema Magique se sentent quand même coupables de quelque chose…


Que sont devenus ces manuscrits (ronéotypés, brochés, reliés) ?

L’hôtel Mississipi n’est pas/n’est plus/n’a jamais été : une maison de rendez-vous, une école gardienne, un dispensaire, un local de la Jeunesse de Mouvement Populaire de la Révolution…


François Weyergans.


- Ce n’était pas un copain à toi, dans le temps, non ?

- Je crois bien que oui… si je me souviens bien, il y a des lunes et des lieues… mais je me trompe peut-être…

- Et alors ?

- On a dû se perdre, un jour… Je me rappelle qu’il m’a beaucoup fait lire, voir, entendre… et fumer des Boyards… Je sais que je lui dois ça…

- Et boire ?

- Non, pas boire…Ou alors du café, oui…beaucoup de café, beaucoup…


Tu t’assoupiras sur le canapé du salon


Motema Magique et Vieux Didier avaient trop bu de bière, très tard. Ils avaient complètement perdu le réseau… Un plombier zingueur

- Un plombier-amateur, sans doute ! Un amateur de plomberie et de cervoise qui habitait rue des Eperonniers et qui, en situation de crise, proposait aux patrons de payer ses chopes en effectuant de petits boulots dans les caves des bistrots où il passait la nuit à se bourrer la gueule… et qui fréquentait aussi, parfois, un bistrot de la rue Malibran, situé au coin de la rue Van Aa… et devenu depuis lors un salon de thé… Un vieux copain, quoi !

connectera, à leur insu et sans même s’en rendre compte, la conduite d’eau à la conduite de gaz.

Jipéji croit reconnaître un pote à lui.

- Brunin ?

- Mais non, mais non, Jean-Pierre… Tout ça n’est que « littérature », voyons !


Motema Magique s’assoupira sur le canapé du salon. Vieux Didier, très émèché, mettra beaucoup de temps à s’apercevoir

- Ça va la mère ? Ça va ?

- Çaaa vaaaaa

que Motema Magique perd tout doucement connaissance. Il tentera de la ranimer avec un linge mouillé. Il la prendra dans mes bras, la couvrira de baisers, la bercera, lui chantera des chansons. Il appellera des amis

- Tu as des amis dans la police ?

à la rescousse.

Lorsque les secours finiront par arriver

- Qu’est-ce qu’ils viennent foutre ici ? Qui les a appelés ? Avec quel téléphone ? Qui règlera la facture ?

Motema Magique sera déjà

Morte…


Mais peut-être ce ne s’est-il pas passé tout à fait comme ça…

- Revois donc ta copie, Ducon !

- J’y arrive… Mais puisqu’il faut refaire l’histoire, petite chérie, décidons aussi de changer de titre…

- Et comment tu vas appeler ça, douchka, ton histoire fausse une fois réinventée ?

- Un titre banal, ça ne mérite guère plus : « Les flics sont polis mais ils font chier »…


Les flics sont polis mais ils font chier


Puis-je trouver suspect, madame, que votre mari vous ait trouvée morte, ou presque, cette nuit, toute seule, avec un sourire béat aux lèvres, le visage reposant sur un oreiller, les mains croisées sur la poitrine, un collier de fleurs autour du cou, vers trois heures du matin, dans

- Mbwa Mabe vous a aidée, madame ?

- Est-ce que je vous ai appelés, connards ? Qui vous a demandé de venir ?

votre baignoire remplie d’eau tiède et mousseuse, même pas noyée ?


Votre corps (entièrement nu) (sauf des zigidas autour des hanches) (et un petit bout de ficelle bleue accroché à votre poignet) ne présente pourtant aucune trace de lutte ni d’étranglement…votre vagin n’a même pas

- Qui, à part Mbwa Mabe, possède le double de la clef de la porte de votre salle de bain ?

été fracturé avec un pied-de-biche, ce qui est plutôt suspect, pouvez-vous nous expliquer ça, madame ?

- Pourquoi mourir ailleurs alors qu’on peut mourir si bien chez soi, connards ! On ne meurt qu’une seule fois… il ne faut pas louper ça… Laissez-moi donc partir, camarades … Laissez-moi m’en aller tranquillement ! Pourquoi vous faites chier ?

- Qu’on mette les menottes à cette impertinente… et à cette maladroite qui s’est lamentablement ratée !


Les flics enragent, procèdent aux constatations d’usage, ne comprennent rien… haussent les épaules, maugréent, rognonnent et finissent par appeler une ambulance…


Sur le ring de Bruxelles, une ambulance à destination l’hôpital Erasme est suivie par une voiture de flics

- L’enquête progresse ?

gyrophare allumé. Un camion transportant des carcasses de porc parvient à s’intercaler entre les deux véhicules.


Peu de temps après, un flic se fait choper par une bagnole alors qu’il se penche sur le cadavre d’un gamin qu’il vient de tirer à la carabine et

- Voyons voir à quoi ça ressemble et si cette sale gueule me rappelle quelque chose !

qu’il le retourne brutalement en se servant de ses bottines et de la crosse de son arme.


Si la tour de Pise avait été construite à Venise


Depuis plusieurs années, la lente mais inexorable montée des eaux souterraines de la Senne et du Maelbeek et de l’Etterbeek et du Schaerbeek (chargées de sel, d’engrais chimiques, de lie de vin, de bactéries, de rats, de champignons, de marc de café et de pesticides) menace très sérieusement la stabilité des institutions bruxelloises et risque même d’emporter la roulotte du FFBSS !

- Le quoi ?

- Le Frit-Flagey Bosteels (snacks-sausen) !


Si la tour de Pise avait été construite à Venise, les riverains (titulaires d’une carte « ad hoc » délivrée par la commune moyennent la production d’un titre de propriété ou d’un contrat de bail enregistré) n’auraient pas manqué de s’y réfugier en cas de crue de l’Elbe, du Danube ou du Congo !


Elimination de los feos


Hier soir, juste avant d’aller se coucher, Vieux Didier s’est regardé (furtivement, de biais, à la dérobée, comme un espion) dans le miroir et il a vu qu’il était moche…

- Dois-je me mettre entre parenthèse, ne plus apparaître, ne plus me manifester, ne plus indisposer, cesser de déranger, cesser d’exister ?

Avant les miroirs étaient quand même plus complaisants, avaient plus de retenue et de bien meilleures manières… Avant, les miroirs ne lui disaient pas toute la vérité, ne trahissaient pas tous ses secrets.

Avant, Vieux Didier s’imaginait simplement qu’il n’était pas photogénique et, pour conserver ses illusions, il veillait toujours soigneusement à fuir l’œil des caméras et n’oubliait jamais d’arracher et

- Je ne veux être le souvenir de personne !

de déchirer en petits morceaux et de jeter dans la cuvette des chiottes les photos de lui

- Volées !

qu’il découvrait dans les albums des gens…


Hier soir, Vieux Didier s’est regardé dans le miroir et il a vu qu’il était chauve et

- La calvitie débutante du grabataire masqué, douchka !

- Où ça ?

- à Ambly !

- Où ça donc ?

- Entre Forrières et Nassogne, quoi ! Tout à l’arrière du crâne, quoi !

- Et pourquoi le grabataire est-il masqué, petite chérie ?

- Parce qu’il dort avec un appareil respiratoire, Ducon ! Faut-il vraiment tout t’expliquer ?

Vieux Didier s’est regardé dans le miroir et il a vu qu’il était devenu agressif (s’alliant à un gang d’handicapés physiques de ses amis, barrant l’avenue colonel Lukusa dans la commune de la Gombe, déployant des herses artisanales et abattant des arbres, semant des clous à quatre pointes sur la chaussée et demandant méchamment l’aumône aux fonctionnaires et aux mindele) (ne se départissant jamais de sa mauvais humeur) (incapable de relancer la roue de sa machine à coudre et de pédaler, de pédaler, de pédaler et

de pédaler jusqu’à toujours) et

- Chiant, quoi !

Vieux Didier s’est regardé dans le miroir et il a vu qu’il s’était pris vingt-trois ans dans

- M’aimeras-tu encore tel que je suis devenu, petite chérie ? Et les gens aussi ?

- Qu’est-ce que tu en as à foutre des gens, douchka ?

- Mais mon public ne me balancera-t-il pas des chaussures ou des cannettes de bière dans la figure ?

- Ton public ? Quel public, douchka ?

la gueule.



Avait-il été, quand Motema Magique l’a connu, un gentil petit garçon… tendre et rêveur (et qui arrivait même à la faire rêver), attentif

- J’ai cru, douchka, pour mon malheur, que tu n’étais pas « comme tous les autres » et je t’ai agriffé et puis, après, tu n’as plus voulu te décrocher de mes serres et sortir de ma vie! Et, depuis lors, je ne puis plus reprendre mon envol… J’ai l’impression d’être une aigle de haute montagne dont on a coupé les ailes et qu’on a transformée en mère-cane de basse-cour…

- Tu veux être plus autonome, petite chérie ? Pourquoi pas ? Je ne suis pas « contraire »… Mais en collaboration étroite avec ton mari, bien sûr ! Dans le cadre de l’Union Conjugale, évidemment !

- Un peu plus d’autonomie, tu veux rire, douchka ! Tu ne t’imagines quand même pas que je pourrais me satisfaire d’une « Zotonomi » à la Gaston Defferre, Ministre de la France d’Outre-Mer et supporter de l’Olympique de Marseille ?

- Tu as quelque chose contre l’Olympique de Marseille, petite chérie ?

- N’essaie pas de détourner la conversation, douchka !

- Mais dis-moi, que veux-tu alors, petite chérie ? Tu veux que je te laisse un peu plus de liberté, peut-être ?

- Moi, Ana Lanzas, je revendique purement et simplement l’Ablodé, la véritable libération nationale !

et généreux, naïf et intimidé, serviable et tolérant, impertinent peut-être mais jamais grossier qui, quelquefois, se permettait quelques propos caustiques ?


Et serait-il devenu, avec l’âge, ce vilain vieux méchant coupable de tous les péchés capitaux et secondaires, d’Israël et de Palestine… et aussi des défauts de tous les sept nains et de leurs descendants jusqu’à la cinquième génération, tels qu’énumérés ci-après, adjectifs et substantifs

- Quelle salade, petite chérie !

- Oui, mais toutes les combinaisons sont possibles, douchka ! Tous les couples sont permis !

confondus

- Mais classés par ordre alphabétique, douchka, parce que les défauts ont mauvais caractère : ils se jalousent les uns des autres, se vexent facilement, exigent d’être respectés…


Les voici donc tous les défauts de Vieux Didier… dont Motema Magique, parfois… quand ils se ratent et que ça coince entre eux… trouve légitimement à se plaindre.

Vieux Didier est :

abattu, absurde, abusif, acariâtre, acide, agité, ahuri, alcoolique, anal, anarchiste, angoissé, anti-capitaliste primaire, anti-patriote primaire, apathique, ardennais, arnaqueur, assassin (ayant emporté plusieurs dossiers contenant des documents confidentiels ainsi qu’une casserole à pression), avachi, avaricieux, badjaen, ballonné, barbouilleur, barricadier, baveur, belge, besogneux, bestial, bigleux, bizarre, blanc, blanchâtre, blanchi à la chaux, blasé, blasphématoire, blennorragique, bolchevique, bordelier, bouffeur de curés, bouffi, bouffon, bougon, bourru, brisé, brocardeur, brutal, bruxellois, bruyant, buveur de Jupiler, cafardeux, calculateur, calomnieux, cancérigène, capricieux, caractériel, cassé, chafouin, chagrin, charognard, chiant, chieur d’encre, cinglant, coco

- Certaines de tes « insultes » me paraissent être des compliments déguisés, petite chérie ?

cocu

- Mais dans quel sens, petite chérie ? Et qui donc me cocufie ?

- Toi-même, douchka ! Tu te cocufies toi-même ! Tu es tellement parano ! Espèce de sakabwang ! Chou russe aux harengs roses !

coincé, colérique, coliqueux, commis aux écritures, communard, compulsif, consterné (comme un rat qui se serait glissé dans la manche gauche d’un caleçon long, à sens unique et dont on ne peut sortir qu’en marche arrière), constipé, copiste, coupable, courbatu, courriéliste, craintif, cramoisi, crapuleux, crevé, criseur, cruel, curieux, cyclothymique, cynique, débraillé, déconnecté, défait, défoncé, défraîchi, dégonflé, dégoûtant, dégoûté, dégueulasse, déicide, délabré, délavé, délirant, dément, démuni, déplacé (comme une pomme tombée au pied d’une cheminée d’usine), dépressif, déprimant, déprimé, désabusé, désargenté, désenchanté, déserteur, désespéré (comme un moulin à vent qui ne décolle jamais), désespérant, déshonorant, désobéissant, despotique, détestable, déviergé

- Par amour ou par inadvertance ? De force ou pour faire plaisir ?

diabétique, diariste, dictatorial, dissimulateur, dominateur, échotier, écrivailleur, éculé

- Est-ce à dire que j’ai perdu ton cul de femme mariée, petite chérie ?

- Non, douchka, pas le mien, le tien ! D’ailleurs tu n’as jamais eu de cul ! Tu as les fesses d’un Américain ! Ou d’un Blanc qui a fait faillite au Togo ! Ça m’a toujours désespéré !

édenté, égoïste, égrillard, éhonté, éjaculateur précoce, élimé, emporté, empoté, encaqué, endurci, enflé, enfoiré, enneigé, ennuyeux, enragé, enterré vivant dans une fosse à purin (appelant au secours pendant que des pelletées de selles, de fèces et de fumier l’ensevelisaient), épilatoire, épileptique, épistolier, escroc

- Un escroc talentueux, petite chérie ! N’ai-je pas réussi à me faire passer pour un écrivain sans même savoir écrire ?

- Oui mais tu n’as jamais été capable de lessiver, avec une poudre magique, des billets de banque noircis dans une machine à battre le beurre ! Et tes escroqueries littéraires ne nous ont jamais rien rapporté ! Tu n’es qu’un excroc minable !

esquinté, éteint, exalté (mais taiseux), excessif, exhibitionniste, exigeant, extrémiste, fabulateur, fade, faible, fainéant, farceur, fatigué (vieux et usé), fauché, faux, fécal, fermé, féroce, feuilletoniste, fêtard, fétide, fiévreux, flagada, flapi, frippé, fruste, funèbre, fusionnel, fuyant, gâcheur, gaffeur, galérien, ganache, gargouilleur, gaspilleur.

- Mais enfin, petite chérie, ne t’ai-je pas entendu dire, il n’y a pas si longtemps, que j’étais avaricieux ?

- Ce n’est pas incompatible, douchka !

gâté, gâte-papier, gauche, gauchiste, gazetier, geignard, gênant, gendelettre, genuflexible, gerbant, ginguet, givré, glacial, glaireux, glandeur, glapisseur, glauque, gloseur, glouton, gluant comme du paddy

- Oui, mais toujours fidèle, petite chérie ! Tu dois quand même me reconnaître ça ! De ce côté-là, je n’ai jamais varié !

- Peut-être aurait-il mieux valu, douchka…

gras, graveleux, gratte-papier, gribouilleur, grincheux, grivois, grognon, grossier, grotesque, guedin, hagard, haillonneux, haineux, halluciné, hanté, harceleur, hargneux, hirsute, humiliant, hypocondriaque, ignare, ignorant, immature, impatient, impoli

- On ne soulève pas le couvercle des casseroles des gens qui nous invitent à dîner chez eux, douchka !

impubère, impudique, impuissant

- Mais prenant des poses tauromachiques au pied du lit conjugal !

impur, inapte au service militaire, incongru (comme une brique tombée au pied d’un pommier), inconscient, incorrigible, inculte, incurable, indécent, indécis, indésirable, indifférent, inédit, injurieux, insatisfait, insensible, insolent, insortable, insultant, insurgé, intolérant, intransigeant, invivable, irascible, irrespectueux, irritable, ixellois, ivrogne, jacobin, jaloux

- Oui, mais toujours fidèle, petite chérie !

- Hélas, hélas, hélas…

kinois, lâche, laid, larmoyant, latrinal, lent, leucodermique, libertaire, licencieux, livide, lourd, lumumbiste, machiste, malingre, malodorant, malpropre, malveillant, maniaco-dépressif, manipulateur, matricide, maussade, médiocre, méfiant, mélancolique, méliste, menaçant, menteur, méprisable, méprisant, mesquin, minable, misérable, morose, mortel, moulu, muleliste, musutu (comme

- Manneken-pis aussi ! Et Jeanneke n’est pas non plus excisée !

un mundele dont un morceau de prépuce aurait été arraché, furieusement, à coups de dents

- Il m’avait caché son méprisable état !

par une londonienne pitbulle méchamment abusée), mutin, mystique au sens kinois du terme, nassognard, naze, nerveux, nihiliste, noceur, noircisseur de papier

- Ce n’est un peu vieillot ça, comme insulte, non ? Change de dictionnaire, petite chérie ! A part Jipéji, tout le monde écrit directement sur ordinateur, maintenant !

nuisible, obèse, oblitéré, obscène, obsédé sexuel (une main sur les fesses et l’autre sous le capot), offensant, oiseux, ombrageux, ordurier, orgueilleux, outrageant, outrancier, ouvriériste, parano, paresseux, parricide, partageux (mais n’aimant pas que les copains empruntent sa mobylette pour aller draguer ses frangines et leurs copines), pas attentif, pas beau, pas généreux, pas gentil, pas intimidé, pas naïf, pas rêveur, pas serviable, pas tendre, pasticheur, pas tolérant, patibulaire, patraque, pauvre, peau de vache, pédant, pendard, pendu à l’aube

- Mes bourreaux devront se lever tôt ! Ils ne pourront pas faire la fête trop tatd dans la nuit !

pénible, pensionné, pernicieux, persifleur, pesant, péteur, péteux, pisse-copie, pillard, pingre, pleurnichard, plumitif, pluvieux, poignardé dans le métro (à la station delacroix, à Anderlecht), polisson, pornocrate, pornographe, possédé, possessif, pourri, prédateur, pressé-pressé

- N’en jette plus, petite chérie ! Ma modestie en souffrirait ! Et puis, là, tu n’inventes rien ! « Pressé-pressé », Mbulamoko me l’avait déjà dit cent fois… bien avant toi !

prétentieux, progressiste, prostateux, puant, querelleur, raciste anti-Blanc, rageur, râleur, rancunier, raplapla, ravagé, rébarbatif, rebelle, régicide, renifleur, républicain, retraité, revanchard, revenu de tout, ricaneur, ridé, ridicule, ronfleur, rouge, sadique, salace, salopier, sans ambition

- Ne rêvant même pas de devenir ministre des parkings, des brocantes et des nuisances linguistiques générées par le survol des quartiers francophones de Bruxxelles par des aéronefs néerlandophones !

sans argent, sans cœur, sans-culotte, sans culture, sans talent, satanique, scabreux, scandaleux, scatologique, sceptique, scribe, scrifouilleux, scrofuleux

- Eh, oh ! Tu es sûre de n’avoir rien oublié ?

- Attends, douchka, attends ! Ce n’est pas fini…Et arrête de rouler tes yeux comme ça ! Ils finiront par te sortir des orbites !

séditieux, sidatique, sinistre

- Eh oui, douchka, tu as cessé d’être drôle ! Tu ne me fais même plus rire !

- Tu es une tricheuse, petite chérie ! Cette réplique-là, c’est à Malou que l’as volée !

simplet, situationniste, soixante-huitard, solitaire, souffreteux, souillé, soupe au lait, sourd

- Ah, je suis sourd ! Si c’est comme ça, petite chérie, ne me demande plus de coller mon oreille sur ton coeur pour entendre le train venir (ou les termites te grignoter les intestins) ! Tu n’as qu’à te débrouiller toute seule !

sournois, stalinien, stérile, stressant, stupide, subversif, susceptible, syphilitique, tabagiste (comme un chômeur), taciturne, taiseux (mais exalté), tapageur, taré, teigneux, téméraire, terroriste, tordu, tortionnaire, torturé, toubab, tourmenté, traître, triste comme un rat mort (dirait Alain Brezault en parlant de quelqu’un d’autre), trotskiste

- Mais je m’en trouve fort bien, petite chérie ! Avec deux grandes-tantes flambloyantes et flamingantes, une « oncle caché » brigadiste internationaliste et une « cousine secrète » photographe célèbre… comment aurais-je pu ne pas devenir trostkiste ?

sans le savoir, tuberculeux, tueur de mouches, ulcéreux, usagé, usé (vieux et

- Vieux ? Ça alors !

- Voyons, douchka, sois cool, ne t’énerve pas… Tu dois bien reconnaître que tu n’es même plus capable de décharger une pirogue et de soulever un sac de ciment de cinquante kilos, deux sacs de sel de dix kilos et même un sac de makala ou de bangui… ni de courir dans l’escalier avec le plateau du petit-déjeuner ou un bébé rhinocéros de cinquante-huit kilos… sans perdre le souffle et faire chariver la pirogue… et renverser le thermos, marcher sur le camembert et t’asseoir sur la motte de beurre, non ?

fatigué), vaniteux, vanné, vaudevilliste, ventripotent, vétilleux (comme un tueur à gages qui promène son chien sur les trottoirs du vieil ixelles, tous les soirs, entre 18 heures et 18 heures quinze, avant de partir au boulot), vétuste, veule, vexatoire, vicelard, vieux (usé et fatigué), vilipendeur, violent, violeur maladroit (ayant laissé l’empreinte de ses mains sur le miroir des toilettes), visité par des esprits malfaisants, voleur de femmes et de chevaux d’autrui, vulgaire, yanké, yovo…


Vieux Didier serait donc devenu un vilain vieux méchant plein de défauts

- Souvent partagés, petite chérie, ça me rassure ! Nous avons un pot commun, non ?

qui, quelquefois, ferait semblant d’être gentil ?


C’est ce que prétend, certains jours, Motema Magique… quand ils se ratent et que ça coince entre eux...

Qu’attend donc Motema Magique pour

- Demain matin, quand tu te réveilleras, douchka, je ne serai plus dans ton lit !

partir ou

- Demain matin, douchka, quand je me réveillerai, je ne veux plus te voir dans mon lit !

virer son vilain vieux méchant ?


Et lui, Vieux Didier, qu’est-ce qu’il lui reproche à Motema Magique ?

Rien mais tout.

Quelquefois, quand elle l’énerve et, selon les circonstances, il lui dit : « tu ressembles à ton père » ou « tu ressembles à ta mère » ou « tu ressembles à mon père » ou « tu ressembles à ma mère » ou « tu ressembles à mon frère » ou « tu ressembles à

- Laquelle ?

- Toutes les trois ! Eliane, Bernadette et Brigitte !

mes sœurs » ou « tu ressembles à Moura » ou « tu ressembles à Jodi » ou « tu ressembles à la petite fille qui, tous les soirs, venait se laver les mains, à côté des pisseurs, dans l’urinoir public du Busleidengang » ou « tu ressembles à l’oncle Œdipe qui est mort depuis tellement longtemps mais à propos duquel tant de bruits circulent encore » ou « tu ressembles à Lilith et à Winnie Mandela » ou « tu ressembles à Ulrike Meinhof » ou « tu ressembles à Luz ou à Agnès » ou « tu ressembles à Malou Fontier » ou « tu ressembles à Judith Bisumbu» ou « tu ressembles à Antoinette Safu Mbakata» ou « tu ressembles à la maman d’Antoinette Safu Mbakata » ou « tu ressembles à la femme du paralytique qui, lorsqu’elle touchait les choses qui pendouillaient entre les jambes de son mari, tout de suite après se glaçait… et se tétanisait… et se signait… précipitamment… comme pour conjurer le mauvais sort… comme si elle venait de toucher les reliques décharnées d’un chapon mort de la peste aviaire » ou « tu ressembles à Marie-José Engulu » ou « tu ressembles à Rachou Mpanu-Mpanu» ou « tu ressembles à Marychelo Lopez » ou « tu ressembles à Ouardia Derriche» ou « tu ressembles à Césarine Bolya » ou « tu ressembles à Lieve Bellefroid» ou « tu ressembles à Claude Haïm » ou « tu ressembles à Françoise De Moor» ou « tu ressembles à Alain Brezault» ou « tu ressembles à Arno » ou « tu ressembles à Gauthier de Villers» ou « tu ressembles à Violaine de Villers » ou « tu ressembles à Jipéji » ou « tu ressembles à Ima Mukakimanuka » ou « tu ressembles à Anne-Louise Flynn » ou « tu ressembles à G.W. Bush » ou « tu ressembles à Benoît XVI » ou « tu ressembles à qui que ce soit d’autre » ou « tu me ressembles »… des trucs comme ça, quoi ! Rien de vraiment méchant, quoi !


Donc Vieux Didier est laid !

Laid.

Définitivement laid ! Et dire que Suke

- Je t’ai pourtant déjà dit, Suke, que je n’étais pas (beau ?) photogénique !

- Ce n’est pas ton problème, Vieux (beau ?) Didier ! Il me faut de tout ! Je n’ai jamais pensé à toi comme (beau ?) jeune premier… mais comme vieux (laid ?) Blanc, tu feras parfaitement l’affaire !

voudrait qu’il joue (quel rôle de vieux laid Blanc ?) dans un de ses prochains films !



Depuis que Vieux Didier est à la retraite


Depuis que Vieux Didier est à

- Oui, j’ai finalement décidé de prendre ma retraite…

- On a décidé pour toi, douchka ! On t'a foutu dehors, oui ! On t’a chassé pour tabagisme et dépravation sexuelle ! Ce sont tes promenades dans le forêt de Soignes avec Zora Lee, main dans la main, pendant les heures de service qui ont foutu en rogne le Directeur général des Bâtiments !

- Mais enfin, petite chérie, tu as pris connaissance du témoignage d’Henri Jouant, quand même ?

- Je n’ai pas confiance ! Ce qu’il raconte, c’est pour te protéger… sûrement…Vous êtes tous complices, Henri Jouant, Jan De Cort, Didier L’Homme et toi ! Toujours à monter des coups contre vos bonnes femmes ! Vous êtes tous les mêmes ! Toujours à vous couvrir les uns les autres ! Et de toute manière ton tabagisme et des absences répétées au bureau (pour congés de maladie, syndicaux, de paternité, de décès, de formation, que sais-je…) n’ont certainement rien arrangé et le Directeur général n’a sûrement pas pris se décision à la légère… Non non, douchka, ne cherche pas à me tromper : tu n’as pas quitté ton boulot, c’est le boulot qui t’a quitté…

la retraite et qu’il glande à la maison, ses revenus ont été sacrément révisés à la baisse et il ne parvient plus

- Je t’avais prévenu douchka…Je te vire ! Je te répudie !

à assurer la subsistance de Motema Magique… en proie à un terrible ennui… et qui envisage sérieusement de divorcer

- Je pourrai quand même venir voir mon chien, petite chérie ?

- « Notre » chien (et d’ailleurs on n’en a pas), douchka ! Talaq !

- Et mes deux poissons rouges, petite chérie ?

- « Nos » deux poissons rouges (et d’ailleurs on n’en a pas non plus… on a de très beaux garçons mais on ne va quand même pas les couper en deux, ils sont majeurs à présent), douchka ! Talaq !

n’acceptant pas de devoir partager sa cuisine avec un fouteur de merde et un incompétent… et d’avoir continuellement dans les pattes et dans son lit un bonhomme

- Toujours là mais jamais présent ! Talaq

qui passe son temps à lire le journal…


Vieux Didier sera-t-il obligé de déménager et

- Consultera-t-il d’abord une voyante ?

devra-t-il, pour faire des économies, clouer saint Dismas et saint Andesmas recto-verso sur la même croix, s’acheter des capottes de second coup (rincées avec du savon de Marseille et mises à sécher au soleil, sur un fil à linge), s’installer dans un mobil-home et se contenter de manger des tartines de fromage blanc avec des radis ou croquer, comme un chevreuil, des fleurs

- Des fleurs changent-elles d’odeur et de couleur pour échapper à leurs prédateurs ?

de coquelicot ou de capucine dans un champ ? Devra-t-il attendre patiemment, assis sur un banc de square (fréquenté par des prêtres-sorciers, des femmes de chambre, des ouvreuses de cinéma, des travestis, des coiffeuses de brosses et de balais, des dealers et des bonnes d’enfant), qu’une droguiste ou une mercière le repère, qu’elle s’intéresse à lui, qu’elle vienne s’asseoir à ses côtés et qu’elle lui fasse la conversation ?


Vieux Didier aurait-il dû, aussitôt après avoir été « jeté » par Motema Magique, s’inscrire à un site de rencontres (pour édentés, malentendants, myopes, chauves et boiteux) sur internet ? Aurait-il dû trafiquer son CV, son acte de naissance et ses photos d’identité, vivre en dessous de son âge, fréquenter des concerts rock et rédiger un blog visité chaque semaine par des dizaines d’admiratrices confites ?


Vieux Didier aurait-il dû, lorsqu’il était encore jeune et vierge, obtenir d’excellents résultats sportifs qui lui auraient permis de décrocher une bourse d’études dans une prestigieuse université américaine ? Ou s’investir activement dans les activités d’un Office de Transformation de la Misère en Or, une entreprise d’alchimistes spécialisés

- Il faut bien que je soigne mon dimanche, non ?… Que j’acquière de quoi « savoir vivre », non ?

dans la conversion de la pauvreté des uns en richesse des autres ?


Vieux Didier aurait-il dû, lorsque j’avais encore du travail et de l’argent, acheter des champs de patates et des sapinières dans les environs de Nassogne-Belgique ? Ou se construire une coquette bicoque (pour que le feu ne prenne pas froid et ne s’éteigne jamais) de retraité

- De quoi comptez-vous vivre à présent ?

- De l’enlèvement de touristes françaises ou allemandes (et de quelques époux) et de leur traducteur, dans la forêt de Saint-Hubert, par une bande de soudards qui portaient tous un habit rouge et une hure de sanglier brodée sur la manche !

aux confins de la Biélorussie, à Byalistok ou à Siemiatycze ? Ou s’aménager un studio ou un pavillon de célibataire dans une maison de repos tranquille à Nassogne-Togo, à Lamagistère

- Ne pas se précipiter ! Bien choisir son établissement ! Ne pas se contenter de répondre par courrier à une annonce parue dans le catalogue de la Redoute ! Visiter les lieux et sentir l’ambiance ! Se renseigner sur la façon dont le personnel traite les résidents ! Examiner si la condition physique des aides-soignantes leur permet de maîtriser les épileptiques et de soulever les grabataires ! Vérifier si des ambulances et des corbillards ne stationnent pas constamment en double file devant l’institution ! S’assurer que l’établissement est bien géré (et que les résidents ne risquent pas de recevoir leur renom et de devoir quitter les lieux avant même leur décès) !

à Yolo-Nord, à Diyarbakir, à Carcassonne, à Gardanne ou dans la communauté de Valencia ? Confortable et bien équipée (avec verger, cimetière et potager) afin de pouvoir y passer tranquillement

- Nakomi mubange !

ses vieux jours ?


Le peut-il encore aujourd’hui maintenant qu’il est plus âgé

- Nakomi mpaka !

qu’un V1 de la Seconde Guerre Mondiale et qu’il ne fait même pas

- Une sacrée planque pour une pièce de collection que personne ne voudrait loger chez lui !

partie des collections du Musée Aéronautique de Deurne ?

Aurait-il dû souscrire une assurance-vie qui lui aurait permis de

- Bien sûr que tu peux toujours clamecer ! C’est le bon moment ! Tu en as l’âge ! Personne ne te reprochera d’être parti trop tôt !

mourir « à l’aise » et « dans la dignité » ?

Le peut-il encore aujourd’hui avant qu’ « ils » ne perdent patience. Et ne se résolvent

- A m’oublier sur une aire d’autoroute, petite chérie ? A me perdre à un carrefour de chemins forestiers de la forêt d’Ardenne, entre Mochamps et le Fourneau Saint-Michel ?

louer mon corps à un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans le traitement des croulants parce qu’il est malade au dessus de ses moyens et qu’il leur « coûte trop cher » ?


Vieux Didier devrait-il mémoriser les codes d’accès et les mots de passe qui permettent d’ouvrir les portes de la Jérusalem céleste ?

Ne devrait-il pas plutôt solliciter une audience auprès du général Sony Kafuta Rockman, chef spirituel de l'église « Armée de l'éternel » et président du Conseil des sages des églises de réveil et demander à l’homme de Dieu de faire un geste, quelque chose…


Lui octroyer un laissez-passer ou un sauf-conduit lui permettant d’aller directement au Paradis (où, dit-on, les pucelles se font escalader, jours et nuits, par tous les martyrs, depuis des siècles et des siècles, amen ! mais restent toujours jeunes, belles et vierges) sans passer par les salles d’attente

- Aujourd’hui dissoutes ! Que sont devenus les résidents ? Qu’a-t-on fait des factionnaires ?

des Limbes et les bagnes et les mines pédagogiques du Purgatoire (et y être emmerdé par des « éléments » de la Sûreté de l’Etat ou de la Garde Spéciale et de Sécurité Présidentielle postés devant les champs de Dieu, la ferme de la N’Sele ou à l’entrée du domaine royal de Laeken)

et de disposer d’une place gratuite au Ciel, pour l’éternité, dans les tribunes d’honneur ?


L’esthète et la pornographe


- Ça s’est passé pendant que tu te trouvais au Togo ? Tu t’arranges toujours pour ne pas être là quand on a besoin de toi ? Ou bien as-tu encore tout inventé ?

Place Stéphanie. A la mi-décembre. Vers minuit trente. Il faisait froid en enfer.

- Sur le trottoir ou sur l’asphalte ?

- Au pied d’un réverbère d’un boulevard prestigieux ! Parce qu’il n’est pas toujours facile de décoincer la ficelle de son string ou de débloquer son étui pénien dans les combles d’un immeuble squatté de l’avenue Fonsny ou dans un hangar situé à l’angle de la rue Gray et de la rue des Deux-Ponts …

L’homme, le pantalon sur les chevilles, s’était joyeusement allongé sur la moule

- Hop, hop, hop ! On ouvre les jambes ! Fungola makolo !

dont les valves oblongues étaient largement écartées.

Elle était allergique

- On ne mange le bonbon avec son emballage !

aux préservatifs. Trois fois, en moins d’une heure, elle est tombée enceinte. Et trois fois, en moins d’une heure, elle a avorté dans le caniveau.

- Il fera chaud en hiver avant que j’te fasse un enfant, bitard !


Puis les flics se sont amenés. Ils ont sermonné le jouisseur et libéré l’esthète. Ils ont menotté l’obscène et enfermé la pornographe, avec

- Une truie qui rotait et pétait sans arrêt ! Une vache qui n’arrêtait pas de ruminer et de cracher ses poumons ! Et ça schlinguait l’urine, l’eau de Javel, la soupe julienne aux pichards en boîte mixés, la soutane élimée, le café bouilli et le fourrage ranci !

plusieurs autres personnes dans un caveau humide, sale et sombre, de neuf mètres carrés, sans

- Il y avait quand même un trou dans le plafond par où passaient les rates (poursuivis par les chattes policiers), non ? Les droits de la femelle étaient quand même respectés, non ?

fenêtre, sans eau, avec seulement un seau hygiénique et des paillasses à même le sol


Hyperactivité


Tantine Betena

- Tes spermatozoïdes sont hyperactifs, turbulents, caractériels, indisciplinés ! Comment veux-tu que je les attrape ? Ils bougent tout le temps !

désespérait de tomber enceinte de Vieux Didier et , conseillée par une « bonne pondeuse » de ses amies, elle a

certes, refusé d’acclamer haut et fort la parole du Seigneur et de joindre ses prières à

- A la clôture de sa dernière croisade d’évangélisation, dans sa parcelle de l’avenue du Comité urbain, plusieurs handicapés physiques n’ont-ils pas retrouvé l’usage de leurs membres et abandonné sur place leurs béquilles ! Et un enfant gravement malade n’est-il pas monté directement au ciel !

celles de son voisin, le frère Otton, mais elle a

néanmoins accepté de consulter un nganga

- Un thérapeute féticheur, petite chérie ?

- Un tradipraticien, Ducon !

de Kimbanseke ou même de Masina ?


Ainsi est né Djuna ?

C’est ce qui se rapporte à Kinshasa