mardi 4 mai 2010

AnaCo 2 - Visitez les îles Baléares

Didier de Lannoy
Vieux Didier s'intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille (avec Zora Lee et bus 96)
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 2
Deuxième compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant toujours le beau rôle, la vie dure qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac




Sur l'agence AnaCo, voir aussi:
http://anaco1.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/


Sur le Congo, voir aussi (notamment):




Visitez les îles Baléares !


Elle s’appelle Octavia… Madame Octavia.


Au bar « La Legion », on entrait de plein pied dans un roman de 1925 où le ménage n’avait plus été fait depuis la fin de la première Guerre des Dunes, au Sahara… Toni (près de 90 ans) et Toni (60 ans passés) officiaient au comptoir pour quelques rares fidèles… Et la messe se disait à la bière plutôt qu’au vin rouge.


Bien sûr, Madame Octavia ne parvient plus à ramasser

- Avec un aimant ! Comme une petite fille qui joue à aider sa maman !

les épingles et les aiguilles comme avant, sauter à la corde et jouer à l’élastique comme avant, rouler à vélo

- Le jeune demoiselle faisait tinter joyeusement sa sonnette dans les virages !

comme avant, danser le tango comme avant, travailler à la cantine et s’occuper de la bibliothèque de l’école communale comme avant, décrotter ses bottines et en nouer les lacets comme avant, battre distribuer, lire ou maquiller les brêmes

- Les cartes étaient devenues tellement poisseuses que la brave dame n’arrivait plus à les rentrer dans leur étui !

comme avant, collectionner les timbres et faire des mots croisés comme avant, tricoter à quatre mains comme avant, adresser des lettres au « courrier des lecteurs » des journaux comme avant, tordre le cou à un poulet comme avant, crever l’œil d’un lapin et le vider de tout son sang comme avant, arroser des tomates et égoutter des salades

- La salope prenait plaisir à éclabousser le sac (un faussaire !) du facteur, la poussette (un gueulard !) du bébé de ses voisins et le calepin (un félon !) du flic du quartier !

comme avant, peler et découper les pommes de terre et tailler des carottes comme avant, battre des œufs en neige comme avant, faire griller des poivrons et des aubergines comme avant, passer un coup de loque dans son « séjour », faire les carreaux de sa cuisine (les mains couvertes de crevasses) et balayer sa cour comme avant, décapsuler

- Si bien que la soûlaude, à présent, préférait (y a pas de vaisselle à faire, ça reste froid plus longtemps et on ne doit pas gérer les cadavres) se beurrer à la canette !

une bouteille de bière avec les dents comme avant…

Bien sûr, elle ne rêve plus comme avant, ne pleure plus comme avant, ne rit plus comme avant, éprouve des difficultés à lire le journal, chante faux, entend mal, pisse de travers et souille sa culotte…


Bien sûr, Madame Octavia ne croit vraiment plus en l’existence

- Depuis le temps ! Qu’est-il devenu celui-là ? Quelqu’un a-t-il de ses nouvelles ? Se fait-il toujours servir des nouveaux-nés au beurre tous les matins, à chaque petit-déjeuner, croquants et croustillants ? Existe-t-il encore seulement ?

de Dieu mais

- Mais le Diable, Madame Octavia ? Que pensez-vous du Diable ? Croyez-vous en lui ?

- Pour moi, le Diable, c’est le type qui torture les ennemis de Dieu (il les pèle, les ébouillante, les concasse, les écrase à la fourchette et les réduit en purée dans les cuisines et le réfectoire d’un ancien lycée reconverti en centre de recherche et de documentation) (il leur coupe les testicules, leur arrache les viscères et les fait cuire au grill jusqu’à ce que leur peau soit bien cloquée)! C’est lui qui éventre les contestataires et dépèce les détracteurs de Dieu ! C’est lui qui fait brûler (sur un tas de vieux pneus) les lunettes, les chaises roulantes, les dentiers et toutes les autres prothèses des réfractaires ! Le Diable ce sont les antennes et les caméras de surveillance de Dieu… placées un peu partout : dans les statues, les gargouilles et les nichoirs à saints… sur les places publiques, dans les rues commerçantes, dans les écoles, les tribunaux, les hôpitaux et les confessionnaux… avec des relais dans les clochers de toutes les églises ! Le Diable, c’est le flic de Dieu, voilà ce que j’en pense …

bien en celle du Diable.


Madame Octavia a toute sa tête. Elle ne s’affole pas, ne perd pas les pédales et ne se paume pas jamais. D’aucune manière. Nulle part. Ni dans les chaussées ou les chaussées de son quartier, ni dans les chemins et les sentiers de la forêt de Soignes.

Et, le mercredi et le dimanche de chaque semaine, Madame Octavia quitte sa petite maison de la rue de la Croix, emprunte la chaussée d’Ixelles (à droite), coupe (à gauche) par la rue Maes, dépasse l’épicerie de Gourad et la boucherie de Mimoun et remonte ensuite la rue Malibran, toujours à pied, à pied, à pied, en prenant tout son temps, tout son temps, tout son temps et en bavardant, bavardant, bavardant avec les gens… avec tout le monde, avec des passants qui ne savent pas trop où aller et qui ne sont pas pressés d’y arriver, avec deux ouvriers communaux habillés en jaune-vert fluo, avec le rôtisseur de poulets de la boucherie « Sans Souci », avec des clients de l’établissement « salon de thé » et « petite restauration » qui s’est ouvert depuis quelques années juste à côte du feu de signalisation, dans l’ancien bistrot préféré

- On y parlait le kirundi, à l’époque, non ?

- Chez les « Brigeons » (se rappelle Maroussia, ex-Monique) ! Chez les « Brijon » (corrige Monik) ! Quelqu’un a-t-il de leurs nouvelles (demande encore Monik) ! Et le nom du bar, c’était l’Amahoro (dit Monik) ! Non, l’Ibohoro (contredit Maroussia) !

des deux « Monique », de Jipéji et de feu l’autre Jean-Pierre, celui de la rue des Eperonniers, en face du Dolle Mol… jusqu’à la place R. Blyckaerts où Madame Octavia s’assied sur un banc et prend le bus 96

- Non, le 95, douchka (Motema Magique, alias « « Mon amour, ma muse, mon dictionnaire », montre le bout de son nez et contredit Vieux Didier) ! Le 96 va à Delta !

- Le 96, je te dis, petite chérie !

- Comme tu voudras, douchka (Motema Magique, alias « Ma grenouille arboricole aux yeux gris-verts », fait mine d’opérer un repli stratégique… qui, normalement, ne devrait pas durer trop longtemps), du moment que tu en es convaincu…

en direction d’Heiligenborre et descend à proximité de l’Ecole Internationale, traverse le quartier du Balai, emprunte le chemin du Rouge Gorge et se promène, tout seule, dans les bois, jusqu’à la tombée du jour…


Madame Octavia a toujours eu et continue d’avoir de l’appétit. Elle a gardé un souvenir très précis de très nombreuses recettes de très anciennes cuisines. Elle les récite par cœur, tous les soirs, avant de s’endormir, pour ne pas les oublier.

Et, chaque lundi et chaque vendredi de la semaine, tôt le matin, utilisant sa boîte à tricot comme sac à main, elle fait ses « petites courses » dans les boutiques (tout droit) de la rue du Viaduc et (à droite) de la rue Van Aa ou de la rue Sans Souci (où

- Dans le vieil immeuble que j’occupais dans le temps, avec mon mari, rue Sans-Souci, il y avait une pompe à eau et des toilettes (avec un coeur découpé à la scie dans la porte de bois) au fond de la cour ! C’était juste après la dernière guerre mondiale ! Quelquefois, la nuit, les locataires du dessus (sûrement des « artisses », des étrrrangers, des étudiants, des chômeurs ou des clandestins !) pissaient ou vidaient leur pot de chambre par la fenêtre ! Mais nous aimions beaucoup notre petit logement, mon mari et moi ! Malheureusement, quand nos propriétaires sont devenus vieux, ils ont abandonné leurs locataires (tout en les remerciant d’avoir été des clients fidèles pendant tellement d’années) et sont partis s’installer en Flandre, du côté d’Overijse, chez leur fille cadette ! Et nous ne nous sommes pas parvenus à nous entendre avec les nouveaux bailleurs et nous avons été obligés de déménager…

elle avait vécu longtemps avec le premier

- Tous morts (un mur qui s’effondre sur un échafaudage, un tram qui rentre en collision avec une ambulance, une panne de machine d’anesthésie…) dans le journal, à la rubrique des faits divers ! Mais le premier était quand même le meilleur ! Nous nous étions bagués à la commune et à l’église, très honnêtement, avec tout le tralala ! Et c’est avec les économies et l’assurance-vie de ce premier compagnon-là que j’ai pu m’acheter la petite maison de la rue de la Croix où j’habite encore aujourd’hui… Et c’est sans doute aussi pour cette baraque que deux autres hommes m’ont aimée ensuite… Et c’est également pour cette maison que j’ai toujours refusé de les épouser… pour ne pas (on ne sait jamais !) perdre mon bien ou devoir le partager avec des gens venus d’ailleurs…

de ses trois « maris ») et (à droite) de la rue Van Volsem et (en face) de la place Hendrik Conscience et (à gauche) de la rue du Collège et (à droite) de la rue du Couloir et (à gauche) de la rue Scarron et (à droite) de la rue Malibran et (tout droit) de la place Flagey et (demi-tour

- A cause des travaux !

devant le marchand de journaux, puis à gauche) de la rue de Vergnies et (à droite encore, en remontant vers la place Fernand Cocq) de la chaussée d’Ixelles. Elle musarde, gambade, flâne, déambule, folâtre, badaude, vadrouille et fait tous les trottoirs du quartier. Et rentre toujours à la maison avec quelques tomates, deux ou trois mandarines, une salade romaine (légèrement défraîchie), un poivron, un oignon, une courgette, un concombre, une gousse d’ail, une aubergine ou un pain turc

- A peine rassis, Madame Octavia !

que Gourad, l’épicier-chef de quartier, lui met de côté… et des déchets de viande ou du « mou » que Mimoun, le boucher, lui donne pour ses chats…


Madame Octavia fume ses clopes, boit ses bières, mange ses conserves et refuse de se séparer de ses chats. Personne ne la contrôle. Personne ne la boutonne. Elle a toute sa tête et toute sa liberté.

- Certains la jalousent pour ça !

Elle ressemble à une plante qui, en surface, peut paraître moribonde mais qui, secrètement, s’est réfugiée dans ses racines (avec des paquets de cigarettes, des canettes de Jupiler, des provisions de pilchards et de corned-beef, des barres de chocolat) et survit à toutes les mauvaises saisons.

Rien ne doit plus, normalement, lui arriver… que de finir son temps et de mourir… un jour …


*

* *


Un jour, pourtant, au début de l’automne, Madame Octavia avait manqué le rebord d’un trottoir en voulant éviter de glisser sur la crotte d’un être animal ou le crachat ou le vomi d’un être humain… ou peut-être avait-elle été violemment bousculée par un chien déchaîné ou par un cycliste ivre pédalant sur l’espace piétonnier… et voilà que


A « La Legion », on a intérêt à bien s’entendre avec le chien (extravagant, extraverti, exubérant) (enchaîné au dehors, près de l’entrée, mais dont la chaîne est très longue) si on veut avoir accès

- Il n’y en a pas d’autres !

aux toilettes extérieures sans se retrouver le cul par terre…

On doit également veiller à se munir d’un jerrycan d’eau et

- Avant de faire sa grande commission ! Pour un meilleur confort !

d’un rouleau de papier de toilette.


Au « Can Christophe », on accède au comptoir de l’épicerie-bar de la ferme en traversant une (très chouette !) cour intérieure couverte de plantes grimpantes et pavée de dalles quelquefois déboîtées


la mémère avait perdu l’équilibre et que

l’obsolète était retombée lourdement sur le dos et que

le melon de l’ancêtre avait heurté un tronc d’arbre, une bordure, un crottoir, une poubelle métallique ou le pare-choc d’une voiture en stationnement et que

la calebasse de la rombière avait fait « toc » sur le pavé et s’était fendue comme une coquille d’œuf de Pâques…

Et, depuis cet accident, on disait que Madame Octavia, appelée désormais « la vioque » (ou « la schnoque ») par les glandeurs et les branleurs du quartier, n’avait plus tous ses esprits et qu’elle était devenue complètement dingue et qu’elle pouvait même constituer un danger

- Et pour elle-même aussi !

pour la société… et qu’il lui arrivait aussi de toucher le derrière des hommes dans la rue, devant la maison communale ou aux arrêts du bus 71 du bas de la chaussée d’Ixelles (celui de la place Flagey et celui qui se trouve pas loin du Delhaize, à l’angle de la rue de Hennin)… et que même son dentier était fêlé…


Elle avait donc été promptement dénoncée…

- C’est bien elle, la timbrée, la loufoque ! Je la reconnais ! C’est cette vieille-là !

par son voisin (un ex-gendarme, policier fédéral à la retraite, diabétique, boiteux, bigleux et prostateux) (blanc comme une cuvette de chiottes) (blanc comme un soleil vicieux) (blanc comme un suaire souillé par une giclée de sperme glauque) (et qui passait son temps se masturber, se masturber, se masturber… et à prendre des photos de…

- Des « artisses », des étrrrangers, des étudiants, des chômeurs ou des clandestins ! Et peut-être même aussi des incendiaires, des pédophiles ou des révolutionnaires !

de ses prochains et à les espionner civiquement par la petite fenêtre de ses toilettes et à déposer des mots d’insultes dans les boîtes aux lettres des « jeunes » de la rue… ceux qui « mettent la musique trop fort » ou « se permettent de jouer au foot sur le trottoir » ou qui font pousser du cannabis sur leur balcon, dans des bacs à fleurs » ou qui « rient trop fort » ou qui « reçoivent trop de monde »

- Du drôle de monde ! Des gens bizarres !

des personnes « de tous les sexes, de toutes les mœurs et de toutes les couleurs ») et accusée de…

d’avoir allumé un feu de journaux dans une poubelle de la place Fernand Cocq en y jetant

- Sans doute s’était-elle encore pété la gueule à La Régence, à L’Alliance, ou à l’Amour fou ! Tout son fric va dans la bière ! Surtout au début du mois, quand elle vient de toucher son pognon…

imprudemment son mégot et de…

de faire la conversation (à leur retour du bureau, de l’école, du magasin ou du chantier) et même de demander une cigarette et même, en été, de…

- A son âge !

d’offrir une canette de bière fraîche à tous les beaux mâles (tous ! y compris les moins minets et les plus croulants !) passant devant sa fenêtre et même de…

d’avoir lâché des rats dans l’escalier du boucher ou du mareyeur et même d’avoir volé des légumes sur l’étal de l’épicier et même d’exercer un pouvoir maléfique sur les vieux arbres du quartier et, surtout, de…

de maltraiter ses chats…


Effectivement, depuis que Mimoun avait pris sa retraite et fermé sa boutique et que Madame Octavia s’était disputée avec tous les autres marchands de barbaque ou de

- Avec celui de la chaussée de Wavre aussi, celui qui est installé près du Musée des Sciences naturelles ?

- Ben oui ! Même avec le patron d’Agadir, le poissonnier préféré de Stéphanie et de Greg !

poiscaille du vieil Ixelles, elle n’était plus en mesure de préparer à ses matous les abats fumants de chèvre et les affaires intérieures gluantes et visqueuses de morue fraîche dont ils étaient si friands et avait dû se résoudre…

- Et ça schlingue ! Et ça fouette ! Et ça dégage une épouvantable odeur d’avaloir bouché qui empeste tout le quartier !

à ouvrir et à partager avec ses bêtes des boîtes de conserves remplies d’ordures ménagères qu’elle achetait dans la rue de Hennin, pas loin de chez elle… mais la pente de la rue des Champs-Elysées était, quelquefois, très dure à remonter… ou dans un supermarché de rue Goffart, un peu plus loin… mais la pente est douce et c’est beaucoup moins cher…


Ainsi mouchardée par un homme de l’art, la vioque avait fait l’objet

- Faut-il envisager un placement dans une maison de repos et de soins spécialisée dans l’accueil des personnes souffrant de démence ?

d’une enquête minutieuse.

Elle avait été longuement auditionnée (attouchée, pelotée, malaxée, triturée, tripotée, trifouillée, désossée, auscultée, disséquée et spéculumisée) et

- Etes-vous souvent enrhumée ? Portez-vous des vêtements d’hiver en plein été, madame ? Votre état de santé nécessite-t-il des soins médicaux lourds ? Avez-vous été vaccinée contre la grippe ? Avez-vous, à l’âge de vingt-deux ans, attrapé une varicelle en Alsace ou en Rhénanie ? La taille de votre écriture a-t-elle diminué, madame ? Pouvez-vous sortir d’une baignoire sans assistance ? Votre paillasson est-il muni d’une bande antidérapant ? Avez-vous du mal à vous endormir ? Faites-vous la sieste pendant la journée ? Vous réveillez-vous pendant la nuit ? Eprouvez-vous des difficultés à quitter votre lit pour vous asseoir et aller aux toilettes ? Dissimulez-vous un panier d’arachides fraîches (trois packs de canettes de bière, deux cartons de boîtes de pilchards et un carton de boîtes de corned-beef, quelques barres de chocolat) dans le placard de votre cagibi de toilette ? Combien de cigarettes fumez-vous par jour ? Arrivez-vous encore à accrocher votre veste à un portemanteau ? Terminez-vous toujours vos mots croisés, madame ? Avez-vous l’habitude de tout garder et de ne rien jeter ? Rangez-vous vos pantoufles dans le bac à légumes de votre frigo ou dans le four de votre cuisinière ? Avez-vous une connexion Internet et une adresse e-mail ? Eprouvez-vous des difficultés à gérer votre compte à la banque de la Poste et à vous exprimer au téléphone, madame ? La mort d’une personne très proche vous a-t-elle récemment traumatisée ? Avez-vous encore des amis sur lesquels vous pouvez compter en cas de besoin ? Avez-vous une vie cachée ? Doutez-vous de l’existence de Dieu ? N’avez-vous pas le sentiment d’être constamment surveillée par Lui ? Connaissez-vous l’histoire de Belgique ? Avez-vous assisté, perchée sur les épaules de votre père, aux funérailles du roi Léopold II à la place Rogier ? Avez-vous vécu le drame du Heysel, l’incendie de l’Innovation et la catastrophe du Bois-du-Cazier ? Continuez-vous de nourrir clandestinement les pigeons sans papiers de MM. Fernand Cocq, Hendrik Conscience et Antoine Wiertz ? Quelle différence faites-vous entre un steak tartare et un filet américain ? Pensez-vous que les œufs rétrécissent lorsqu’on les ébouillante ? Préférez-vous le fromage de tête ou la tête pressée ? Connaissez-vous des moments de déprime ou d’anxiété ? Traînez-vous les pieds en marchant ? Avez-vous déjà reçu les derniers sacrements ? Avez-vous subi des dégâts cérébraux consécutifs à une opération chirurgicale ? Quel est l’état de vos finances ? Peinez-vous à boucler vos fins de mois ? Avez-vous une assurance décès ? Serez-vous en mesure de payer les frais de vos obsèques ou devrez-vous faire appel aux pouvoirs publics ? Que donnez-vous à manger à vos chats ? Votre vaccination antitétanique est-elle à jour ? Lisez-vous, écrivez-vous et mangez-vous couchée ? Vos pieds touchent-ils le sol quand vous êtes assise au bord de votre lit ? Allumez-vous la lumière lorsque vous utilisez les toilettes ? Souffrez-vous de troubles de la continence ? Portez-vous une poche à urine ? Changez-vous de sous-vêtements tous les jours ? Dormez-vous nue, madame ? Vous doigtez-vous encore ? Les oreilles, les narrines ou le nombril ? Le clitoris, le vagin ou l’anus ? Pensez-vous toujours à tirer vos rideaux et à fermer les boutons de votre robe de chambre lorsque vous vous touchez ?

- Mais…

- Avez-vous besoin de l’aide d’un proche pour vous laver, aller aux toilettes, vous habiller… ou vous tripoter, madame ?

- Mais je… mais… je ne vous permets pas…

- Pourquoi ne répondez-vous pas à nos questions ? Pourquoi refusez-vous de communiquer ? Pourquoi cette insolence ? Est-ce bien raisonnable ? Cherchez-vous à aggraver votre cas ?

le verdict des services compétents de la commune et des inspecteurs de la « police des vieux » (reprochant à la schnoque, pêle-mêle, la précarité de ses moyens, sa verdeur, ses miasmes, ses animaux, ses clopes, ses canettes de bière, ses boîtes de pilchards et de corned-beef, sa bouteille de mercurochrome

- On n’utilise plus ça depuis des années !

ses barres de chocolat, sa causticité, sa solitude et ses masturbations) fût unanime et

- Le placement est inévitable !

sans appel.


Les assistantes sociales et les services de police ont déclaré que la maison de madame Octavia était devenue inhabitable et

- Ils ont prétendu que mon « séjour », ma cuisine et ma cour extérieure avaient été transformés en dépôts d’immondices et que les rats commençaient à faire leur apparition et que mes chats étaient galeux et mal nourris et qu’ils n’effrayaient même plus les rats du quartier !

après avoir mené leur « petite enquête » de proximité et

- Mais tout ce que les gens racontent, ce sont des faussetés et des menteries ! Et les personnes qui répètent ces bêtises, ce sont des haineux, des canailles et des salopiauds !

avoir accompli, dans les bonnes règles, toutes les formalités prévues, ils ont décidé d’expulser Madame Octavia de sa propre maison et du quartier dans lequel elle avait toujours vécu et…

de la placer sous contrôle, dans un mouroir agréé (où les clients ont accès, dans la limite du raisonnable, à tous les services et soins de santé de base que réclame leur état : l’administration de vermifuges, la vaccination contre la grippe aviaire, les visites régulières du mécanicien dentaire, du curé de la paroisse, du changeur de couches-culottes et de l’ostéopathe) situé aux environs de la place Flagey.


La vioque avait, bien sûr, essayé de se défendre (elle s’était débattue, accrochée aux rideaux, arc-boutée aux meubles et aux chambranles de portes… elle avait gueulé, beuglé, braillé… en espérant ameuter des voisins) mais personne n’avait voulu l’entendre


On fit donc fait appel à une équipe de force et la vioque fut séparée

- Qu’on les pique tous, ces matous ! Ils sont trop galeux pour que quelqu’un veuille bien les adopter ! Et trop mal élevés aussi ! Ils sont tellement crottés, d’ailleurs, que même les abattoirs d’Anderlecht ou de Ciney n’en voudraient pas dans leurs chaînes d’abattage !

de ses chats, ceinturée et évacuée par les forces de l’ordre.

Et des scellés furent apposés sur la porte de la maison.


Cerné par les videurs et sur le point d’être livré aux exterminateurs purificateurs par des hygiénistes écologistes, un des chats de la schnoque réussira pourtant à se cacher dans un faux-plafond de la baraque…

Endurant le froid (ou la chaleur, c’est selon), la peur, la soif et la faim, il y restera planqué, sans bouger, osant à peine respirer, pendant trois ou quatre longues semaines... Comme un

- Un virus ! Un évadé ! Un fugitif ! Un terroriste !

immigré clandestin, un « ordre de quitter le territoire », terrorisé à l’idée d’être enfourgonné, escouillé et déporté par des sbires…


*

* *


A peine internée, Madame Octavia se mettra rapidement mise à faire de la résistance.


Au « Can Christophe », un homme pénètre dans la (très chouette !) courette intérieure du bar-épicerie de ferme et se dirige, en chancelant, vers le comptoir… en agrippant fermement une femme par le bras.

Ou bien est-elle aveugle… ou bien l’aime-t-il trop... ou bien sont-ils carrément bourrés tous les deux…


Pas très loin du Can Christophe on peut aussi passer la soirée sous les pins, chez Sebas, le copain de Bunta (la fille de Carmen et la sœur de Sole)…

Sebas habite un campamento de réfractaires et de dissidents qui fait penser à un hameau d’indiens Pueblo (quelques bâtisses en ciment-pisé, disposées en terrasses), situé à quelques kilomètres de la route qui va de Sant Carles de Peralta à Sant Llorenz de Balàfia…

- Et comment va-t-on là-bas ?

- On tourne à droite, en venant de Sant Carles, à un « croisement » où quelques (vrais ou faux ?) paysans du coin vendent directement leurs avocats et leurs oranges aux automobilistes, le long de la route …

- Et après ?

- On roule encore, lentement, prudemment, pendant près de deux ou trois kilomètres, sur une piste de brousse (bordée d’arbres mendiants qui se nourrissent d’insectes et tendent avec déférence et insistance un gobelet-sébille en plastique à quelques rares passants, eh !) très cabossée…

- Et après ?

- Dans un tournant, juste avant que la « route » ne se mette à grimper très fort, on se gare (il y a comme un « creux » qui ressemble à un parking, avec de la place pour au moins deux bagnoles) au pied de la montagne sacrée… On grimpe alors, à pied, un sentier, à gauche, sur une distance d’à peu près cent mètres… On y est presque… On y est…

- Hola, que tal ?


Elle refusera d’entretenir de bonnes relations avec les autres résidents (une vingtaine de personnes hors d’usage, frappées de démence, fatiguées, périmées) du mouroir dans lequel on l’enfermera.

Et elle prendra plaisir à être crainte et détestée par tous les décatis et

- Ne vous promenez pas dans cette rue, ça brûle ! Ne passez pas devant cette maison, ça brûle ! N’entrez pas dans cette chambre, ça brûle ! Ne vous couchez pas sur ce lit, ça brûle ! Et méfiez-vous de ce qu’on vous sert à manger ! A l’hôpital, c’est pas toujours bon c’qu’on y mange !

à semer le trouble dans la tête des avachis, des délavés et

- Ne prenez pas ces comprimés, ça brûle !

des pisseuses… comme on s’amuse à effrayer

- Ne mangez pas ces bonbons, ça brûle !

les petites filles et les petits garçons… qui se retiennent d’aller aux toilettes et finissent par salir leur culotte...


La schnoque squattera bientôt un petit local (où l’intendant du home stockait les brosses et les balais, les détergents, les déodorants et les rouleaux de papier hygiénique) attenant au hall d’entrée.

Elle en fera son lieu, son « coin à fumer », son espace de liberté… mais à la requête expresse

- Hier, j’ai compté jusqu’à dix-sept mégots dans une sous-tasse !

de la préposée au nettoyage, le staff technico-médical décidera de lui confisquer ses paquets de clopes et

- C’est dans votre intérêt, madame !

de lui interdire de fumer…


Ulcérée, enragée, la vioque, décidera de passer de la résistance passive à la révolte active… et de consacrer désormais tout son temps et tout son énergie à écoeurer, désespérer, épouvanter et terroriser ses co-locataires et l’ensemble du personnel soignant…

Le soir, à la veillée, quand tout le monde se retrouvera devant le poste de télévision, elle racontera, racontera, racontera (et plus personne n’osera l’interrompre et plus personne n’arrivera à suivre tranquillement un film, une série, un JT ou un talk-show jusqu’à la fin), racontera à tout venant qu’elle est recherchée par…

- Par un gars qui se sert d’un couteau d’équarisseur pour couper la barbe des castristes, des islamistes et des missionnaires de Scheut ! Et qui se tient embusqué sous des portails d’immeubles et dans des parkings de supermarchés ! A l’affût ! Et qui sort un œil de son orbite pour effrayer les clients du Delhaize de la rue de Hennin et s’emparer de leurs sacs à provisions ! Et qui se cache sous les lits, à l’intérieur des armoires et derrière les doubles rideaux !

un récidiviste, un bandit de grand chemin, un évadé de la prison de Termonde ou de Tournai (ou de la prison souterraine de Luzumu ou de la prison militaire de Ndolo ou de l’île de Mbula Bemba ou du bagne d’Ekafela), un suceur de sang, un célèbre…

- Peut-être s’agit-il de l’épouvantable dépeceur de Mons ? Ou de l’abominable Gilles de Rais, le petit copain de Jeanne d’Arc la garçonne ? Ou du Diable Vauvert, le gentilhomme pervers qui doit sa célébrité aux tortures qu’il se plait à infliger aux ennemis de Dieu ! Ou de Vlad l’Empaleur, comte de Dracula ! Ou de l’effroyable bandit Esmaïl Shakbaksh qui enlève, rançonne ou supplicie les voyageurs (évangélistes, agents secrets ou prospecteurs pétroliers) égarés dans les montagnes du sud-ouest de l’Iran ? Ou de l’égorgeur-machetteur invisible, l’équarrisseur de Kinshasa, le terrible Kata-Kata ! Ou du maniaque du parc Bitsevskii, au sud-ouest de Moscou, le monstrueux Alexandre Pichouchkine, dit Pit’chou ?

assassin et…

- Quelquefois, cet homme-là noie ses proies tremblantes dans une cuve de vin de messe ! Quelquefois, il les ébouillante dans un chaudron d’huile de palme ! Quelquefois, il les enferme dans une cage en bois suspendue à une échelle de pompier et les brûle au lance-flammes !

un violeur de femmes et

- Surtout des dames âgées parce que, d’après sa théorie, copuler avec des vieilles femmes augmente la puissance de l’homme !

- Oooh ! Qu’est-ce que vous venez de dire, Madame Octavia ? Quelle théorie ? Répétez-nous ça ! se réveillent et s’enquièrent Emilien (qui sursaute… et se remet à bander comme un jeune homme) et Henriette (qui, brusquement, retrouve sa virginité… et sent les muscles de son vagin s’étrécir et se resserrer)…

- Il les poursuit dans l’escalier ! Jusqu’à la cave ou au grenier !

- Et encore ?

- Il se déguise en clown triste et agite des chaînes et des chapelets en hurlant des insanités ! Il se peint les mains au charbon de bois et s’applique du purin sur les joues pour se rendre invisible dans l’obscurité !

- Et ensuite, Madame Octavia ?

- Ensuite, il exige qu’elles l’embrassent ! Puis il baisse son pantalon, arrache leur dentier et les oblige à le sucer jusqu’à la garde !

- Et enfin, Madame Octavia, comment ça se termine ?

- Mal, affreusement mal ! Quand il s’est entièrement vidé les bourses, il noie ses proies, les ébouillante ou les brûle ! Et il leur coupe le sexe et ce qui reste de leurs seins avec sa machette !

qu’il valait mieux…

- Ce gars-là n’aime pas la confusion ! Il ne veut pas se tromper ! Alors, pour être sûr de ne pas commettre d’erreur, il préfère tuer tout le monde, sans exception !

ne pas

- Ne vous approchez pas de moi, ça brûle !

trop la fréquenter.


Si bien que la schnoque sera redoutée dans toute la baraque. Elle y acquerra vite

- C’est une abominable sorcière !

une certaine renommée mais cette notoriété ne la rendra pas populaire. Ni auprès des perfusés, des cancéreux, des cardiaques, des diabétiques et des dialysés. Ni auprès des grévistes de la faim (la langue sèche, des croûtes plein la bouche) dont la tête ne tiendra plus droit sur les épaules et qu’on placera au mitard parce qu’ils

- Ne mangez pas ce qu’on met dans votre assiette, ça brûle !

refuseront d’aller au réfectoire. Ni auprès du personnel administratif. Ni auprès du personnel soignant.


Un soir, six à sept mois après sa condamnation « à perpétuité », la vioque

- Mais enfin, douchka (intervient à nouveau Motema Magique, alias « Mon être humain, ma décoiffée, ma flore intestinale »… qui ne s’était plus manifestée depuis l’incident du bus 95… et dont on aurait fini par oublier l’existence… et qui, brusquement, se réveille et interpelle Vieux Didier), tu ne pourrais pas écrire une histoire qui se termine bien ? D’autant plus que la connais cette vieille-là, cette Madame Octavia-là… elle habitait rue Mercelis ou rue de la Croix, non ? Ou en haut de la rue de la Tulipe ou en bas de la rue du Collège, non ? Fais-moi plaisir, douchka (poursuit Motema Magique, alias « Ma femme plus belle que la leur », en faisant la câline et en mordillant les lèvres, les oreilles et les peaux molles du cou de Vieux Didier), donne-lui une belle fin !

- Je vais essayer, petite chérie, je vais essayer… Mais c’est mal parti, ce sera difficile…Il va falloir que je fasse un tour de passe-passe…

- Ça ne fait rien ! Essaie quand même…

- Oui mais ça n’aura pas l’air vraisemblable ! Personne ne sera dupe… Dans la vie réelle, les histoires se terminent toujours très mal, non ?

- Tout dépend du moment où on les arrête…

réussira pourtant à s’évader… et partira à la recherche de ses chats… ou de son assassin ?

Personne ne s’apercevra ou ne voudra s’apercevoir de son absence

Ni le jour même. Personne. Ni le lendemain. Personne. Ni même le surlendemain. Personne ne s’en sera inquiété.

Sauf, peut-être, Emilien et Henriette (dont les nouvelles aventures galantes seront rapportées ailleurs, dans une autre dépêche de la même agence)…


Elle ne sera pas retrouvée.

Nulle part. Par hasard. N’importe où. Ni dans les herbes hautes d’un terrain vague

- Morte de froid ! En plein été !

à deux cent mètres à peine de son home, portant la robe à manches courtes et

- Le lieu où son corps a été découvert est habituellement fréquenté par des jeunes du quartier… mais le mauvais temps de ces derniers jours les aura sans doute dissuadés de s’y rendre !

le petit gilet brun qu’elle avait mis le matin même de sa disparition.

Ni sur les digues ou les plages de la mer du Nord, ni dans la forêt de Saint-Hubert où, quelquefois, les vieux

- Invoquant impudemment leur maladie d’Althusser !

- Alzheimer, Ducon !

se plaisent à fuguer pour faire chier leurs matons.


Un avis de recherche avec son nom, son âge et son portrait ne défilera pas en boucle sur les écrans de veille des ordinateurs de la zone de police Bruxelles-Ixelles.


*

* *


Soit elle a trépassé….

- Attention, douchka (Motema Magique, alias « Mon immondice, ma charogne, mon remugle, ma décharge publique », surveille à présent de très près son Vieux Didier… et refuse de lui faire totalement confiance), attention ! Fais gaffe ! Reprends-toi ! Ça pourrait de nouveau très mal tourner…et je ne te le pardonnerais pas !

mais elle n’a fait l’objet d’aucun rapport d’autopsie et n’est renseignée sur aucun registre de morgue. Et elle ne figure pas non plus sur les listes de victimes d’une catastrophe ferroviaire, de l’effondrement d’un pont autoroutier, d’un crash aérien ou d’un attentat terroriste affichées dans le hall d’entrée des hôpitaux de Bagdad, de Sao Paulo, de Minneapolis ou de Kananga.


Soit elle est en prison. Avec les affranchies, les braqueuses, les casseuses, les souris d’hôtel, les tricheuses aux cartes, les chouraveuses, les roulottières, les persilleuses, les voleuses à l’étalage, les pyromanes, les suborneuses, les dealeuses, les religieuses infanticides, les incestueuses parricides, les avorteuses, les chourineuses, les égorgeuses, les violeuses et les pointeuses.


Soit, peut-être, boit-elle…

- On l’aurait vue du côté de Santa Eulària !

- Ahaaah, quand même, douchka (Motema Magique, alias « Ma louve, ma tendresse, ma belle brocante, mon angoisse, ma mégère, ma gaîté, mon gang », commence à reprendre espoir) !

sa bière (à la bouteille parce que les verres sont plutôt poisseux), tranquillement, en crapotant, sur une île des Baléares…

- On l’aurait aperçue à Las Dalias, revendant à des touristes morpions des colliers argentins et brésiliens ou des encens et des parfums indiens (ou des boulettes de chanvre de même origine, oh !) ou des pantalons de pêcheur thaïlandais… ou au bar Anita, près du congélateur, à côté des boîtes aux lettres et de la cabine téléphonique, roulant ses clopes, essayant de déchiffrer les petites annonces punaisées sur le mur ou de lire un journal suédois abandonné par des vacanciers anglais ou allemands, assise à une table…

assise sur un tabouret, troquant des souvenirs ou montant des coups avec Toni le père (l’ancien soudard à l’œil de verre bien aviné mais toujours acéré) et Toni le fils (l’ancien hippie à la barbe broussailleuse), au bar « La Legion », à la sortie de Santa Euralia, en direction de Sant Carles de Peralta…


Ou est-elle couchée dans un hamac ou sur un matelas posé à même le sol, chez le copain de Bunta

- Hola, Sebas ! Que tal ! Como estas ?

au pied de la montagne sacrée… une clope au bec, une canette (et une barre de chocolat) à la main, entourée de boîtes de pilchards et de corned-beef ouvertes… et de très nombreux chats… qui se pourlèchent les babines… sous les pins.


Ou traverse-t-elle la (très chouette !) courette intérieure du « Can Christophe » et se dirige-t-elle

- Dos cervezas, por favor !

vers le comptoir de l’ancienne grange, devenue l’épicerie-bistrot du coin (où les paysans, vrais ou faux, viennent s’abreuver après avoir vendu leurs avocats et leurs oranges aux automobilistes, le long de la route qui va de Sant Carles de Peralta à Sant Llorenz de Balàfia), et s’agrippe-t-elle au bras d’un homme âgé, de belle allure … et lui met-elle la main au derrière et lui pelote-t-elle les miches et lui caresse-t-elle la braguette… titubant tous les deux…

- Aaaha, douchka (Motema Magique, alias « Ma tomate verte de Valencia », est maintenant apaisée) ! Voilà enfin une histoire qui se termine bien ! Merci, douchka !

s’aimant un peu, trop, beaucoup, effrontément, pour toujours, à la folie, pas du tout.