mardi 4 mai 2010

AnaCo 2 - L'agence AnaCo et l'évènement RaBeCo (Motema Magique et le bus 96)

Didier de Lannoy
Vieux Didier s'intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille
(avec Zora Lee et bus 96)
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 2
Deuxième compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant toujours le beau rôle, la vie dure qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac




Sur l'agence AnaCo, voir aussi:
http://anaco1.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/


Sur le Congo, voir aussi (notamment):



Quand fut lancée l’idée du RaBeCo, en novembre 2006, ce qu’ils en pensaient, eux


Jean-Marie Lison (« Bravo ! ») et Bogumil Jewsiewicki (« une idée à la Christophe Colomb, génial ! du Salkin du XXIe siècle, en mieux ! ») applaudissent. Liliane Liesens et tant d’autres et tant d’autres et tant d’autres et tant d’autres sont prêts à pétitionner, banderoler, pancarter, sloganner, défiler…

Et à marcher, marcher, marcher, marcher, marcher… de la place Loix au quartier Matonge, le dimanche 21 janvier 2007, à partir de 15h


Dieudonné Kabongo et Dread Litoko ne sont, apparemment, pas « contraires » mais ils considèrent qu’il s’agit-là

- Si ça peut les amuser !

d’une affaire de Bulankos (appelés aussi Leucodermes)… et que les Congolais n’ont rien à voir là-dedans…

Inkoli Jean Bofane et Maurice Boyikasse semblent ne pas partager entièrement cet avis.


Jipéji dit sa messe et grognonne

- Tavekapa ! Semwaki !

au comptoir du Tournant (chez Odile Fabregoul et Michel Dehoux) tandis que Roby Comblain et Claudine Gillet, clients de cet estaminet de bouche et co-propriétaires (avec trop d’autres) du cochon de Monik Dierckx, se montrent carrément méfiants.

- C’est quoi ce truc-là ? Et qui c’est qui organise ça ?

Gauthier de Villers fume, à petites bouffées, avec humour et pertinence, examine et renifle les volutes de fumée de sa pipe, questionne l’avenir et se prépare à dire la bonne aventure.

- Les Bana Congo, comment vont-ils réagir ? Des contacts ont-ils été pris avec l’UDPS ? Et avec l’Ambassade de la R.D.C. ? Et avec les Affaires étrangères et le Musée de Tervuren aussi ?

Nadine Plateau intervient par e-mail et interpelle Vieux Didier.

- L'idée est magnifique. En espérant que tu n'y perdes pas ton âme (hem !). J'ai peur des artistes égotico-politiques. On peut en parler un jour…

Gérard Adam prend ses distances…

- Ce que j'ai vu à Kolwezi m'a suffi: je vote contre le rattachement de la Belgique au Congo… Quand le roi barbu et ses sbires se sont appropriés le Congo, ce n'étaient pas les Congolais qui les avaient invités !

Et José Trussart, très sérieux, se met carrément en colère.

- Tout bien réfléchi, je trouve cette proposition de rattachement, très dangereuse. Ce serait vraiment le dernier mauvais tour que nous pourrions jouer, nous Wallons, à ce grand pays qui a tant souffert grâce à nous…Les Congolais doivent être mis en garde devant cette proposition. Ils connaissent déjà tant de problèmes ! Que feraient-ils d’une Wallonie en dépression, avec ses 2O% de chômeurs, ses hôpitaux publics endettés jusqu’au cou, ses politiciens véreux, ses logements sociaux en ruine. Non, vraiment, on peut jouer au potache, mais il y a des limites ! Tout au plus, pourrait-t-on encourager les Congolais à réclamer des dédommagements pour les exactions et pillages commis sur leur territoire par les Wallons hâbleurs. On dira que de leurs richesses minières et agricoles, les Congolais n’en auraient rien fait. Et, il est vrai, que si nous n’étions pas venus les bousculer, ils seraient toujours en train de chasser et pêcher et cueillir, et danser idiotement sur ces terres, en ignorant qu’en dessous de leurs pieds se cachaient de l’or, du cuivre, du cobalt, du diamant, et autre uranium, copal, caoutchouc…etc. N’empêche que si au lieu de leur laisser de grands trous vides qui défigurent leurs plaines, on s’était gardé de toute exploitation « malhonnête », ils seraient en train, aujourd’hui de « danser sur l’or ». Je pense donc, qu’au bout d’une revendication bien menée, par des avocats de la trempe de ceux que l’on rencontre aux USA, ils pourraient obtenir quelques milliards de milliards de $, de quoi, par exemple, s’offrir une Mercedes par ménage, et tout le bataclan domestique pour soulager la ménagère zaïroise et remplir sa malle de pagnes, de miroirs et de colifichets ! A mon avis, c’est dans cette direction là qu’il faut battre le tam-tam, afin de rendre à César ce qui lui appartient. Bien sûr, les Wallons n’auront plus de quoi vivre, une fois leurs dettes payées, mais ils pourront toujours émigrer au Congo et y prêter leurs services (les balayeurs de rue et les ramasseurs d’immondices y font défaut). En conclusion, je dis : « Cessons de tourner autour du tam-tam, et abordons le problème à l’envers, comme il se doit, mais au bon endroit ! » A bon entendeur, salut ! Moi, de votre manifestation, je m’en lave les mains. Rigoler, d’accord, mais pas aux dépens de ceux là même que l’on a spoliés !

- Sacré José ! Sacré Wallon ! Sacré excommunié (en 1958, par l’évêque missionnaire de Boende, pour franc-maçonnerie et infidélité au message de Jésus-Christ, notre sauveur) ! On t’aime bien, tu sais… mais on ne peut quand même pas te suivre en tout : « bousculer », « danser idiotement », la « Mercedes » et les « colifichets », le caoutchouc et le copal qui « se cachent sous les pieds » des danseurs… ça mérite quelques éclaircissements, non ? La danse, disait le vade-mecum de la Territoriale, à l’époque coloniale, est « le seul exercice d’assouplissement physique dont s’accommode leur coutumière indolence », partagerais-tu cet avis ? Par contre, l’idée d’un procès est épatante, absolument éblouissante, quelque chose comme un « tribunal des peuples »… mais, sapristi, sans les Américains !


Quant à Ken Ndiaye, il est sincèrement intéressé par le discours de José Trussart (alias Tairhumène), s’interroge, questionne, voudrait qu’on en débatte, aimerait entendre et découvrir « plus amplement » le personnage…


Vieux Didier doit donc, vieux farceur qu’il est, faire semblant d’être un mec réfléchi… et « s’expliquer » (le thème de la manif’, on peut le considérer comme une « association momentanée » ou une "auberge espagnole", non ? et chacun est en droit d’y amener son thermos et

- Son casier de grandes bouteilles de Jupiler !

ses tartines, non ?)…

Vieux Didier se voit donc contraint d’exposer en public ce qui, personnellement, l’inspire ou le « motive » dans ce bazar…


Et voici :

Le thème retenu par

- Laurent d’Ursel, quoi ! Et tout consorts de la même bande, quoi ! Hélène (x2), Jean-François, Serge…

les organisateurs de cette « performance », de cette « agitation ludique » (Manifestons pour le rattachement de la Belgique au Congo !) ou de ce "happening", comme disaient les ancêtres, permet une nécessaire inversion (et burlesque, drolatique, boyautante, rigouillarde, pissante... car c'est vachement important

-Pour ne pas devenir aussi con qu'une bite !

de ne pas se prendre au sérieux !) des regards.


La Belgique et l'Occident se sont, en effet, trop souvent « appropriés» le Congo (depuis Léopold Dieu jusqu'aux récentes "mises en condition" de l’électorat congolais par une prétendue « communauté internationale » qui s’est auto-proclamée bienfaitrice du peuple congolais).

Peut-être serait-il temps, à présent, d’entreprendre une démarche inverse : que la Belgique "se rende" (en agitant, comme un drapeau blanc, la vieille soutane ou le caleçon long d'un grand-oncle missionnaire) au Congo… ou que le Congo s’empare de la Belgique (comme Villepin rêvait de "forcer" la France… cette Marianne à qui aucun autre choix n’est proposé que d’être sodomisée par Ségolène ou sucée par Sarkozy) ?


Mais sans doute les Congolais ne voudront-ils pas de la Belgique…

Et la rejetteront-ils ou ne l’accepteront-ils que sous bénéfice d’inventaire (que faire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, du Standard de Liège… qui ne devient jamais champion de Belgique… et de la ville de Charleroi ?)… Ou la trouveront-ils obsolète, ringarde, gothique, antique et refuseront-ils

- Ah, le respect qu’on doit aux vieux ! C’est que ça peut être lourd à porter, quelquefois, ce fardeau-là ! Doit-on du respect à Hitler dès lors que ses cheveux grisonnent et qu’il est parvenu à l’âge de la retraite ? Doit-on lui verser une pension et lui faire une pipe ?

de se faire draguer par une aïeule décrépite (qui, dans son jeune temps, s’était toujours comportée comme une salope et réservait son cul à ses seuls frères de race ?) ou par un barbon dégonflé (dont les « moyens » phalliques et financiers ne sont plus à la mesure de ses ambitions crapuleuses)...


*

* *


Bon, oublions les cauchemars et les atrocités, soyons personnel, terminons cette chronique par un sketch autolâtre, considérons donc comment ça se passe dans la famille du président-fondateur :


- Et tes premiers enfants, Vieux Didier, dis-nous, qu’est-ce qu’ils en pensent, eux, de ce bazar ?

- Hortense, Nadine et Eric sont rattachistes (Nadine a l’intention de s’installer définitivement au Congo, avec ses trois petits, pendant les grandes vacances 2007, juste avant la rentrée scolaire de septembre) depuis toujours !

- Et ta « petite chérie », Motema Magique ?

- Motema Magique aussi ! Mais sans doute attend-elle d’être veuve !

- Et ton troisième fils, Lianja ?

- Aucune idée ! Il a d’autres soucis, ailleurs !

- Et le deuxième, Djuna ?

- Il se « rattache » à Kinshasa, en principe, en février 2007. Sauf contretemps, je ne le verrai pas à mon retour de Badja !

- Et Jean-Marie Lahaye, alias « le Juge »… qu’est-ce qu’il en dit ?

- Ben, le Juge, il est parti… en Amérique !

- Où ça ?

- Au Brésil !

- Quoi faire ?

- L’amour avec Deise, probablement ! Tromper le Congo, quoi ! Mais tromper le Congo c’est encore s’y rattacher, non ?


Comme un passager ordinaire


Comment faire pour arrêter de respirer ?

Si Vieux Didier cesse de fumer, doit-il aussi contraindre et comprimer ses pets ? Dans son propre lit ? Avec sa propre femme ? En présence de ses propres enfants et petits-enfants ?

Comme s’il était un passager ordinaire d’un bus 54

- J’emprunterais le bus 54 et je partirais bosser à la Régie des Bâtiments, dans ses anciens locaux (avant que la Régie ne déménage au building Axa) et je me retiendrais de péter, je descendrais à l’arrêt Maelbeek, juste au-dessous de la rue de la Loi, je grimperais le petit escalier qui permet d’accéder directement à la gare Schuman à partir de la chaussée d’Etterbeek et je me retiendrais de péter et, après avoir parcouru tout le quai dans le sens de la longueur et être monté à l’étage supérieur, j’emprunterais l’escalator qui débouche sur la grille d’entrée du Résidence Palace, je pénétrerais dans le bâtiment, je m’engouffrerais dans l’ascenseur et je me retiendrais de péter, je descendrais au quatrième, je dirais à peine bonjour à me collègues, je me précipiterais dans mon bureau et je pourrais enfin me lâcher…

équipé d’une caméra de surveillance

- Oui mais pas d’un détecteur d’odeurs nauséabondes, douchka ! Tu aurais pu prendre le risque…


Ou d’un tram 81 ou 82…

- J’irais consulter le docteur Beeth…

- Pour des problèmes d’émissions intempestives de gaz fétides, douchka ?

Vaut-il mieux se laisser aller à péter… ou parler tout seul sur le trottoir ou dans une salle de cinéma ?

Et si le pet n’était, à tout prendre, qu’une autre forme de respiration ? Peut-on s’arrêter de respirer ?


Le procès du bus 96


Attendu que Mbwa Mabe soutient qu'au fil des temps, des liens de plus en plus équivoques se sont créés entre Motema Magique et le bus 96…

- Non, douchka, le 95 ! Le 96 va à Delta…

- Tout ça est vraiment très compliqué, petite chérie… Mais moi, je décide, à mon niveau, que c’est le 96 et je n’en démordai pas jusqu’à la fin de mon histoire !

- Mobudiééé !

et que l'omniprésence de ce bus au sein du foyer conjugal a fini par perturber la bonne entente entre les époux…

Attendu que nonobstant les dénégations de Motema Magique quant au caractère adultérin de cette relation, il s'avère que cette cohabitation persistante avec le bus 96

- Non, le 95 !

- Chttt ! Kanga monoko na yo !

présente un caractère outrageant à l'égard de Mbwa Mabe, même si elle ne s'accompagne pas de relations sexuelles…

Attendu que Motema Magique ne conteste pas l'existence des liens affectifs qui l'unissent au bus 96 mais en conteste le caractère injurieux et prétend que c'est Mbwa Mabe qui a détruit leur union par la lecture incessante de ses journaux…

Attendu que Mbwa Mabe reconnaît avoir rencontré des problèmes de lecture bruyante des journaux dans le lit conjugal mais fait valoir qu'il les a surmontés avec succès en lisant dans son bureau…

Attendu que Motema Magique, délaissée par Mbwa Mabe qui lui préférait ses journaux, reconnait avoir trouvé auprès du bus 96 l'affection que son conjoint ne lui prodiguait plus…

Attendu qu’elle justifie cette aventure par un prétendu droit de l’homme et de la femme que serait la recherche du bonheur…

Attendu que l'argumentation de Motema Magique manque de pertinence et qu'elle ne peut justifier ses relations avec le bus 96 par le lecturisme de Mbwa Mabe sous peine de verser dans la compensation des torts…

Par ces motifs Mbwa Mabe demande au Tribunal que soit ordonnée la suppression de la ligne de bus 96

- Non, le 95 ! Le 96 va à Delta…

- Tu veux bien te taire, petite chérie ? Ou je te fais un ligogo et je te gongonne la tête !


Le lendemain matin Motema Magique, émue par les pitreries de Mbwa Mabe, opère une tentative de réconciliation.

Depuis leur chambre-mansarde, elle appelle Mbwa Mabe au rez-de-chaussée, par l’interphone.

- Viens me demander pardon, douchka ! Je t’attends…

Mbwa Mabe boude encore mais

- Non, pas maintenant… Je dois d'abord faire la vaisselle…

elle insiste et

- Viens me faire un petit calin ! Je suis nue, douchka…

il essaie de résister et…

- Non, pas tout de suite, petite chérie… Je dois d’abord achever de te préparer le petit-déjeuner…

- Viens, douchka ! Ne me fais pas languir ! J’ai retiré mon coup de poing américain, mon anneau nuptial, mes bracelets, mes bagues de pied, mes piercings, mes médailles miraculeuses, mon scapulaire contre les fièvres, mon talisman et mes gris-gris ! Viens, je suis nue ! Totalement nue, comme si je venais de sortir du ventre de ma mère ! Plus rien ne pourra te blesser ! Viens… et que le match commence !

finit par monter en vi-

- Mais n’oublie pas de faire pipi avant d’entrer sur le terrain, douchka !

tesss-

se…

et freine brutalement

- Merde, j’allais oublier !

devant la porte des toilettes, glisse sur une pub de Delhaize ou un journal de petites annonces… et se casse la gueule dans l’escalier… avec le plateau du petit-déjeuner… et renverse le thermos et le pot de lait, fracasse les bols et le sucrier et

- Redescends ! Nettoie tes crasses et va te laver, Ducon !

se retrouve assis par terre, le cul posé sur une motte de beurre, un main dans le camembert et l’autre dans le miel…


Attendu que l'adultère suppose toujours une relation entre deux personnes…

Attendu que les relations entretenues par Motema Magique avec le bus 96

- Non, le 95 ! Le 96 va à Delta…

- Je ne t’écoute plus ! Je suis définitivement sourd !

- Bon, d’accord, la prochaine fois je prendrai la voiture pour aller jouer au scrabble !

n'ont pas été constatées par un huissier de justice…

Attendu que, de surcroit, lesdites relations ne constituent, à proprement parler, ni un adultère, ni une infidélité conjugale, ni une relation de type sexuel…

Attendu que lesdites relations peuvent être assimilées à la nécrophilie ou à la zoophilie dès lors qu'elle ne sont pas entretenues avec une personne mais bien avec une chose, quelque soit le sexe de cette chose…

Attendu que lesdites relations peuvent néanmoins revêtir un caractère offensant et injurieux…

Attendu que, dans le cas d’espèce, la gravité de l'injure est clairement établie…

Par ces motifs, le tribunal donne droit à la requête de Mbwa Mabe et ordonne à la STIB…

- Oooh ! Et toi, douchka, tu ne me trompes pas avec le 71 et le 54, peut-être ? Et avec le 81 et le 82 ? Et aussi avec le métro, non ?

de supprimer la ligne de bus 96

à partir du 8 janvier 2007


Un bateau qui coulait de toutes parts


C’était un bateau (ce n’était pas un bateau, c’était une baignoire !) (ce n’était pas une baignoire, c’était une passoire !) et

ça coulait de toutes parts.


Et tous les passagers (les cinq enfants de Vieux Didier et de Motema Magique et leurs sept kokos)…

trébuchaient et s’écroulaient les uns après (ou sur) les autres, se fracturaient la jambe ou le poignet en tentant de fixer une tringle à rideaux, étaient renvoyé de l’école ou perdaient leur emploi, glissaient en sortant de la douche, se relevaient, échouaient dans leurs études et décidaient de jeter leur « bic » dans le caniveau, couraient sur le pont en direction des canots, étaient terrassés par une crise de paludisme et claquaient des dents comme des sorciers et mouraient dans d’atroces douleurs et ressuscitaient et reprenaient des forces et cassaient des pierres et cassaient et cassaient et cassaient et cassaient et cassaient

- Tu déprimes, douchka ? C’est normal ! C’est l’âge !

des pierres, des pierres, des pierres, des pierres, des pierres et des pierres pour essayer de s’en sortir et de se faire un peu de pognon et parvenaient à se redresser mais n’arrivaient toujours pas à régler les échéances mensuelles de leur prêt hypothécaire ou à payer leur loyer ou à régler leurs factures d’eau et de gaz et d’électricité, recommençaient à courir dans tous les sens, s’emparaient d’une bouée ou d’un gilet de sauvetage, rédigeaient des CV et des lettres de motivation, envisageaient de changer de pays ou de ville ou d’appartement, d’amis ou de conjoint, essayaient de s’accrocher au bastingage, désespéraient d’y parvenir, se faisaient croquer par un ngando, recevaient un casier de grandes bouteilles de Jupiler sur les orteils, finissaient par chuter dans la mer…


Un vent violent renversait-il sa pirogue (chargée de soixante-cinq sacs de sel de dix kilos chacun, d’une dizaine de sacs de ciment de cinquante kilos, de huit sacs de makala et de deux sacs de bangui) et plongeait-il et trempait-il

- Le vieux saoulard qu’on a retrouvé mort dans la piscine chauffée de Watermael Boitsfort n’était ni cuit, ni noyé ! Il avait tout simplement succombé à une fracture du crâne !

son chagrin dans les étangs d’Ixelles ?

Ou tentait-il, nu, dans son lit défait, d’oublier sa solitude en se masturbant (la langue tirée, les yeux floutés) et en harcelant ses souvenirs pisseux ?

Mettait-il le feu aux pneus de son vieux vélo pour tenter d’éloigner les hyènes et

- Les reptiles sont sourds… et peut-être sont-ils aussi muets… mais ils ont sûrement du flair ?

les serpents qui, la nuit, pendant son sommeil, tentaient de se glisser dans sa maison et d’avaler ses chèvres ?


Et le second tour des élections présidentielles au Congo se présentait plutôt mal et ça sentait le poisson pourri. Et l’atome avait été détrôné par le quark. Et l’épicerie du quartier, place Hendrik Conscience, avait, certes, été réouverte après transformation… mais Vieux Didier n’y voyait plus Mohamed, ni à la caisse ni au volant de sa camionnette, et

- Mais où est passé Gourad ?

- Parti se reposer, faire un tour… pour trois ans !

Vieux Didier n’avait plus aucun plaisir à aller acheter au coin de la rue

- Vous avez du pain turc ?

- Non ! Peut-être demain ! Mais on a des tomates à soixante-neuf cents le kilo !

des tomates et du pain turc


Et l’appareil respiratoire de Vieux Didier

- Délestage !

se dégonflait comme une baudruche (et refusait de fonctionner à la bougie ou à la lampe Coleman), les couveuses s’éteignaient, le sang tournait dans les poches, les opérations chirurgicales étaient interrompues, les organes à transférer pourrissaient sur les bêtes crevées, la morgue cessait de fonctionner.

Et Vieux Didier devait bien constater…

- Si je mourais, je ne résoudrais le problème de personne ! Quand j’étais jeune, je ne me rendais pas compte… je ne m’imaginais pas que je pouvais, un jour, glisser sur un journal de petites annonces, me casser la gueule dans l’escalier, confondre la gauche et la droite, me tromper de direction, emboutir une remorque en stationnement sur le boulevard de la Plaine, vieillir !

qu’il n’avait plus aucune capacité d’intervention… ni même aucun pouvoir de nuisance… ni même…


Mais Vieux Didier se dit qu’après tout, il vaut mieux mourir à temps…avant que ne dis-

- Je me jette (avec lyrisme !) par la fenêtre du quatrième étage ! Et je retombe (indemne et lamentable !) sur un tas de fumier !

- Mais voyons, douchka, notre maison de poupée n’a que deux étages ! Plus une cave et un grenier ! Tu risque à peine une entorse…

paraissent tous les vieux estaminets du quartier (on y fumait encore, on y chiquait parfois, on y jouait aux cartes, on y blasphémait, on y suivait les résultats des matchs de football, on y servait de la bière artisanale à la pompe, on y passait du flamand au bruxellois-brusseleir et au français dans une seule et même phrase).

- Mais enfin, douchka, ces bistrots-là n’existent plus et tu n’y allais jamais ! Tu disais que les clients et les serveurs de ces bistrots belges de chez belge étaient tous d’abominables racistes ! Et tu préférais te péter la gueule dans les bars de Matonge ! Ou à la Brasserie de l’Union avec tes potes de la Régie des Bâtiments !

Et la fromagerie du bas de la chaussée d’Ixelles (dont le « chèvre », affiné par la patronne elle-même, était absolument délicieux…) et la boulangerie qui vendait du podommeke (qu’appréciait tant Marianne Berenhaut) et le Chinois de la rue Goffart et l’épicerie de Gourad et la boucherie de Mimoun

- Mais enfin, douchka, ils sont tous fermés, ces magasins-là ! Depuis kaaaala !

et la droguerie et la mercerie du quartier.

Et les boîtes aux lettres rouges du quartier et le bureau de poste du quartier et l’arrêt du bus du quartier et le commissariat de police du quartier et l’église paroissiale du quartier

- L’église et le commissariat ! Tu es au plus mal, douchka ! Tu régresses ! Je préviens les enfants ?

- Là où je vais réussir à me perdre, petite chérie, personne ne me retrouvera jamais ! Ni toi, ni les enfants !

- Pom pom pom pom !

Et la vitrine du magasin de bonneterie du quartier…


Mais quand Vieux Didier meurt, il doit tout restituer ? Il ne peut rien conserver ? Il doit tout oublier ?


Un groupe de shegués, transportant le cercueil de Mbwa Mabe, organise une collecte-battue dans toutes les parcelles situées entre la voie ferrée et l'avenue Kabambare, dans le commune de Barumbu.

Ils placent le cercueil au milieu de l’avenue Kasaï, bloquent la circulation pendant plus d'une heure et

- 500 FC minimum par véhicule !

rançonnent les automobilistes qui empruntent la chaussée… s’acharnent sur une Mercedes (Merco) et une Jaguar (Ngubu) climatisées, conduites par des « tantines » effarouchées, une femme commerçante et la concubine d’un pasteur d’une église du réveil… les invitent

- Sœur, sœur !

à danser sur une musique du groupe « folklorique » Mabele Elisi, menacent

- Eloko etongaka mapango, yango oyo !

- Eloko yango nini ?

- Miziki !

de crever les pneus des bagnoles, d’arracher les rétroviseurs et de griffer les carrosseries… et se font ouvrir les coffres et s’emparent d’un sac de sucre, de plusieurs bottes de manioc, d’un carton de chinchards (Mpiodi), d’un carton de poisson séché (Makayabo) et d’un carton de poulets « Wilki »… et

- Pillage !

d’une sac de toile rempli de chikwangues et de pieds de porc (Makoso)…


Ils regagnent ensuite le lieu de deuil, non loin de l'école catholique Saint-Paul, achètent les draps et autres articles funéraires, louent une dizaine de kombis pour se rendre au cimetière.

Et se retrouvent, après l'inhumation, au bar "Le Temple du Soleil", rue Mahenge.

Kwangas. Pondu. Makosos. Makayabo. Poulets et chinchards grillés.

- Un matanga mémorable ! On s’en souviendra dans le quartier !

Bières. Bangui. Lungwila. Lotoko.

Partage du pactole.

Bagarres.


Ses chemises noires et ses jeans à poches, ses pantalons wax, ses bottines, sa voiture

- Ta quoi, douchka ?

sa maison achetée à crédit

- Ta quoi ?

son boulot tellement chiant qu’il fallait bien qu’il se tape un joint (mais Vieux Didier pensait toujours à se brosser les dents avant d’aller pointer) pour avoir le courage de s’y rendre

- Te taper un quoi, douchka ? Lokuta na yo ! Frimeur !

son badge d’accès, son ordinateur, son clavier, son imprimante, son téléphone portable, son adresse e-mail, ses souvenirs, ses rancunes, ses projets, ses collègues, ses copains et ses copines

- Tes quoi, douchka ?

ses voisins de gauche et ses voisins de droite et ses voisins d’en face et ses voisins d’un peu plus haut et ses voisins d’un peu plus bas dans la rue (avec lesquels il essayait de vivre en bons termes mais qui, parfois, le regardaient de travers… surtout lorsqu’il leur parlait

- Tu es vraiment trop chiant, douchka !

des « Blancs »), ses trottoirs, sa coiffeuse vietnamienne, son boucher hallal, sa vendeuse ghanéenne de grosses boîtes (pesant près de deux kilos) de corned-beef Exeter (au coin de la rue du Collège et de la rue Malibran), son agent littéraire et son attaché de presse et

- Ton quoi ?

sa secrétaire de direction et

- Ta quoi ?

son infirmière et

- Tu me prends pour qui ?

son abonnement à la STIB, son permis de conduire, sa carte de délégué syndical de la CGSP et son certificat de baptême, de communion solennelle et de mariage

- Ton certificat de quoi, douchka ? Tu es en plein délire !

son compte en banque (à ING et à Fortis) et ses cartes de fidélité (celle du Delhaize de la rue de Hennin, celle de la pharmacie de la place Fernand Cocq), sa grosse perforatrice (celle que Vieux Didier avait « déplacée » ou « empruntée », en souvenir, au secrétariat du Service juridique de la Régie des Bâtiments et qui fonctionne toujours et qui porte encore, inscrit au gros feutre rouge, le nom de Marianne Hailliez), sa paire de ciseaux, son agrafeuse, sa divine épouse

- Ouais, je vois que ce n’est pas gagné ! Notre vieux débloque…Ou peut-être est-ce une crise de paludisme ! Si tu me le permets, douchka, j’attendrai quand même quelques années encore avant d’annoncer ta mort à tes enfants et à tes amis ! Je ferai ça par SMS (pour les ménager) plutôt que par téléphone ! Et ça me coûtera moins cher !

ses aspirines, son semainier (la prostate, le cholestérol, la tension, l’ulcère, etc), ses enfants et ses kokos adorés, son appareil respiratoire, le t-shirt avec lequel il dort (pour que ses deux derniers garçons ne voient pas ses nichons s’affaisser), le caleçon noir qui ne le quitte jamais au lit (pour que ses petits-enfants ne voient pas…

- Oui, mais quelquefois elles débordent !

mes couilles brinquebaler) ?

Oublier tout. Absolument tout. Et ne rien garder en mémoire. Même pas l’impression (agréable ou dérangeante) d’avoir laissé quelque chose sur le feu, quelque part, chez quelqu’un…


Bueno ! Sans doute Vieux Didier a-t-il très mal dormi (des insomnies, une crise d’apnée, une crampe du sexe, trop de petits pipis dans le pot de chambre

- Tu avais encore trop bu, hier soir, douchka ? Tu avais encore perdu le réseau !

toutes les trois heures, de mauvais rêves dont Tantine Betena ne sortait jamais indemne, etc) et ne s’est-il pas bien réveillé.


Motema Magique

- Et les trois « ka » du matin, douchka : mon calin, ton café et le petit caca matinal qui doit te permettre de bien commencer la journée ?

- Pas de calin avant d’avoir fait caca ! Pas de caca avant d’avoir bu deux ou trois tasses de café !

le bouscule et

- Content d’avoir chié ton gros kilo de merde ! Il est temps que je reprenne les choses en main dans cette maison !

décide de l’expédier, pour trois mois (elle s’est rappelée que Vieux Didier déteste le poisson, sauf les sardines Anny et les pilchards en boîte, et s’est retenue de l’envoyer pêcher à la ligne sur les rives du Bosphore), au Togo où (Gougoui ne manifestant aucun

- T’es complètement parano !

enthousiasme à répéter une précédente expérience certainement désastreuse) Vieux Didier n’est même pas sûr

- Complètement parano, j’te dis !

d’être le bienvenu et

- Bon, je descends à la cuisine, douchka, je te ramène quelque chose ?

- Un gros steak de bœuf haché, petite chérie ! Presque cru !

- Même quand tu déprimes, y faut toujours que tu aies faim ? Pas étonnant que tu n’arrives pas à maigrir ! Regarde-toi donc, douchka ! Ton ventre, on dirait un coussin pneumatique avec des bourrelets tout autour ! Et tes cheveux que tu perds partout, tu te les shampouines avec de la mousse à raser ou avec du détergent ?

lui demande si elle doit lui remonter quelque chose.


Il serait sans doute temps que Vieux Didier se réfugie à l’intérieur d’une pomme de terre ou

- Le Togo n’est pas une pomme de terre, douchka !

- En fait, quand tu m’envoies au Togo, c’est comme si tu te donnais congé, non ? Avoue !

d’une cossette de manioc ou d’un cœur de palmier comme un gros ver de terre (tout rose, tout nu, édenté, chauve, sans oreilles ni paupières, ne supportant pas la lumière du jour et fuyant le regard des autres) menacé par la montée des eaux ?


La route qu’on doit prendre pour aller chez Jan Hintjens


Tantine Betena

- Oublions l’insupportable Zora Lee et tes affreuses déprimes, douchka ! Revois encore une fois ta copie et changeons-nous les idées ! Jan nous a dit qu’il avait une grande maison avec un jardin magnifique et qu’on pouvait venir quand on voulait !

demande à Mbwa Mabe quelle route on doit prendre pour aller chez Jan Hintjens

- Tout d’abord, petite chérie, tu prends la direction du jardin botanique de Meise…

- Et ça se situe où ça, le jardin botanique de Meise, douchka ?

- A quatre kilomètres de l’atomium, le long de l’ancienne route d’Anvers… laquelle a, depuis quelques années, été supplantée par une plus jeune…

- Ah bon ! Les seins comment ? Comme ceux de Zora Lee ?

- Evidemment, petite chérie, des seins en liberté qui rebondissaient sur sa poitrine comme des balles de tennis neuves… mais l’ancienne route n’a jamais pour autant cesser de conduire, à Anvers (ensuite) et chez Jan (d’abord), ses anciens clients toujours fidèles à ses molles mamelles et à ses flasques fesses !