mardi 4 mai 2010

AnaCo 2 - Zora Lee, boudeuse de charme -Quand on est atteint de la maladie d’Alzheimer, il n’est pas toujours facile de toucher une cible ivre.

Didier de Lannoy
Vieux Didier s'intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille (avec Zora Lee et bus 96)
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 2
Deuxième compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant toujours le beau rôle, la vie dure qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac

Extraits - En vrac


Sur l'agence AnaCo, voir aussi:
http://anaco1.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/


Sur le Congo, voir aussi (notamment):

Zora Lee, boudeuse de charme

Zora Lee.
Séduisante, très décorative, relaxante et
- Zora Lee? Nani wana, douchka ? Qui c’est celle-là ? Une sex-toy ?
résistante au soleil.
Mais boudeuse et s’étirant les orteils et se caressant les coussinets et se massant le pied droit avec la plante du pied gauche (en remontant vers le genou) et se tartinant le ventre et les fesses avec une crème ou un lait pour le corps et remontant les jambes sur la poitrine et posant la tête sur les genoux et supputant et jaugeant
.

Et préférant déposer
- Pour ne pas les abimer, chou ! susurre-t-elle…
ses seins nus sur le sable fin d’une plage des Seychelles ou de Cumuruxatiba plutôt que de
- Tu t’imagines, chou, mes talons s’enfonceraient dans le sable ! murmure-t-elle…
courir vers l’océan et de
sauter pieds nus dans l’eau salée et de
barboter, patauger, patouiller, gadouiller jusqu’à ce que le soleil se couche.
Motema Magique, dont les pieds n’arrêtent pas de bouger, se pose quand même des questions et
- J’aimerais bien que tu m’expliques ! Tu t’es offert des extras sur les plages de Valencia pendant que je glandais dans les couloirs d’un hôpital d’Anderlecht ? Qui est-ce donc cette Zora Lee, douchka ? Tu ne m’en as jamais parlé !
encore des questions et
- Est-ce une finaliste du concours de Miss Belgique nue que tu as rencontrée dans les caves de Cureghem et qui est venue passer ses vacances à Benidorm ? Est-ce une innocente et jeune orpheline qui a été recueillie par une famille d’accueil de L’Eliana, très bourgeoise, très catholique qui vote pour le parti « Popular » ?
encore des questions et se demande si elle ne devrait pas intervenir plus fermement
- Il serait temps que tu me la présentes, ta Zora ! Je sens que je vais m’énerver…
Zora Lee, lascive et boudeuse de charme, est nue sous son peignoir de couleur pêche. Sans doute a-t-elle égaré sa petite culotte et son wonderbra (quelque part ailleurs ou chez quelqu’un d’autre) mais elle porte toujours des bagues aux doigts et aux orteils et des bracelets aux poignets et aux chevilles. Et elle ne quitte pratiquement jamais ses talons aiguilles. Ses petits seins
- Des seins de campagne, petite chérie, blonds platines, avec encore un peu de farine (et quelques brins de paille dans le pli des fesses et derrière les oreilles ?) sur la croûte…
- Ouais…ambisés kaka, douchka !
rebondissent sur sa poitrine. En liberté. Comme des balles de tennis neuves.

Zora Lee fait la moue et prétend avoir été mordue par un diamant du Kasaï et invite Vieux Didier à l’examiner sous toutes les faces
- Tu veux bien regarder, chou ?
Elle retrousse son peignoir jusqu’à la taille. Elle a le manuka crépu et la voix bronzée. Elle est parfumée à la coriandre, à la cardamone et au santal. Vieux Didier lui découvre
- Ce sont mes fétiches, chou !
des papillons de toutes les couleurs tatoués sur les fesses, le haut des cuisses et le bas-ventre.
Zora Lee porte autour du cou un collier de cuir et d’argent auquel une longe est accrochée et m’invite
- Promène-moi ! Emmène-moi à la pêche ! Allons faire un tour dans la forêt de Soignes ! Je me mettrai de la crème fraîche sur les mamelons et tu pourras me lècher le bonbon !
à la prendre en laisse

Zora Lee ondule des hanches et
- Ouh là, petite chérie ! Au secours ! Au viol !
- Débrouille-toi, Ducon ! C’est toi qui t’es lancé dans cette histoire ! A toi de t’en sortir !
- Dois-je caresser la tête de la vipère qui se love autour de mon cou ?
- C’est ton problème, Ducon !
fait tinter ses bracelets de chevil-
le et s’envoler ses papillons qui vien-
nent bu-
tiner les lèvres et se po-
- Boutonnière ou fermeture éclair, chou ? murmure et susurre Zora Lee, d’une voix langoureuse, dans le creux des oreilles de Vieux Didier… qui a subitement cessé d’être sourd…
- Qu’est-ce que tu préfères, Zora ?
- Tu me laisses deviner, chou ?
- Devine, devine, devine… avec douceur, les yeux fermés, du bout des doigts… et, après, tu pourras vérifier!
ser sur la bra-
guette de Vieux Di-
dier.

Une première carte postale électronique de Valencia

Des nouvelles de la Communauté autonome de Valencia ?
Pour Nicole, la mère de la Femme du Peuple, avant qu’elle ne revienne de Badja (où elle a succédé au Peuple) ?

En voilà quelques-unes, en bref, non filtrées.

Agnès, la sœur de la Femme du Peuple, va bien. Elle va même très bien. Vachement mieux que toutes les fois passées. Elle a repris des contours, des couleurs, du tonus. Elle a toute sa tête et presque tout son corps. Elle n’arrête pas de s’activer dans sa cuisine (frire un sepia, rouler du couscous, préparer un arros), lieu où Le Peuple n’est pas vraiment le bienvenu, surtout quand il prend le risque insensé
- Arrête ! Tu fous de l’eau partout ! Va t’asseoir sur la terrasse ! Lis ton journal et attends qu’on te serve !
de mettre en route la cafetière ou de faire sa petite vaisselle. Elle est très prévenante mais sacrément directive, la sœur de la Femme du Peuple... Elle régente, contrôle, évalue, attribue des points, fait des commentaires, donne des leçons. Elle surveille tous les mouvements du Peuple (surtout lorsqu’elle le surprend à errer dans son office, comme un renard qui cherche un panier d’oeufs, dissimulant une fourchette ou un couteau dans les poches de son pantalon) et le chasse
- Hors de mes fourneaux ! Longwa ! Qui t’a permis de soulever les couvercles de mes marmites ! Fuera !
de ses marmites et ne lui autorise aucune initiative (cisailler une tomate, scarifier une aubergine, courtauder un poireau, débillarder une pomme de terre, amputer une carotte, chanfreiner un oignon, essoriller un poivron) et ne lui concède aucune
- Voyons, Agnès, on n’entre pas comme ça, sans frapper, dans la chambre d’un couple à poil ! Surtout lorsqu’il se dispute !
intimité, même lorsque le Mari de la Femme du Peuple se réfugie
- C’est ta femme, d’accord ! Mais c’est quand même ma petite soeur, non ?
dans leur chambre, avec la Femme du Peuple.

Et Sarah et David, les « enfants » qui n’en sont plus… la sœur de la Femme du Peuple ne leur lâche pas non plus
- Elle est en pleine forme, quoi ! dirait Malou…
les baskets. Et qu’est-ce que ça s’invective ! Mais les hôtes et les visiteurs finissent toujours par s’habituer…
David ne regardera pas la télévision tant qu’il n’aura pas étudié ses mathématiques et qu’il n’aura pas
- David, va prendre ta douche ! Viens ici ! Monte immédiatement ! Descends tout de suite !
rangé ses affaires et qu’il n’aura pas vidé la poubelle et qu’il ne se sera pas occupé de son chat et qu’il ne sera pas allé chercher un pot de mayonnaise dans la garage (et cueilli un citron dans le jardin des voisins) et qu’il n’aura pas
- David, tu n’as pas encore pris ta douche ?
refermé la porte du frigo et qu’il ne se sera pas lavé les mains avant de manger et qu’il n’aura pas mangé son melon et qu’il n’aura pas bu son gazpacho et
- David, tu veux bien aller sous la douche s’il te plait ! Et n’oublie pas de mettre du déodorant !
qu’il ne se sera pas lavé les dents.
Tandis que le coquin de Sarah s’appelle Miguel.
Et, glisse Sarah
- Ça me fait quelque chose !
à l’oreille du Peuple, que la mère de Miguel
- Pour oxygéner son cerveau et pour améliorer sa mémoire ?
mâche du chewing-gum…

Tandis que Moura Dumestre (la tantine de la Femme du Peuple, la soeur de Nicole) est une personne agréable, avenante, accorte, serviable, conciliante, accommodante. Mais quand elle mange, elle bouffe. Et quand elle boit, elle picole. Et quand elle dort, elle roupille. On peut cracher, crier, se mordre la langue, manquer s’étrangler à
- Ce devait être un mauvais rêve !
ses côtés, dans le même lit, sans que rien ne la réveille. Et c’est Sarah
- Mamaaan !
qui appelle la cavalerie.

Tandis que Yaki, Ronny et Chipie se reniflent, se lèchent et se frottent. Et qu’ils se donnent plein de bisous.
Et que le même chat blanc des mêmes voisins, dont les yeux ne sont pas pas rouges (avec des éclairs verts-jaunes !), n’arrête pas (se cache, tend les oreilles, écoute, épie) de surveiller Le Peuple, depuis le même poste d’observation, aux mêmes heures, tous les soirs, derrière le même grillage, aux alentours de la même piscine.
- A qui fait-il rapport ? A un couple de médecins sans enfants (qui préfèrent adopter des chats, des chiens, un rat ou un poisson rouge… auxquels ils ne sont pas apparentés génétiquement… parce que ça pose moins de problèmes que des marmots … et qu’il ne faut pas leur aménager des chambres, leur acheter des vêtements et les amener à la piscine, au musée ou au cinéma… et que ça vit moins longtemps que les merdeux… mais ces adoptants indignes ne prennent même pas la peine de donner une bonne éducation à leurs acquisitions… et oublient de leur enseigner qu’il est impoli de passer son temps à espionner les voisins) ?

Tandis qu’Andres est venu (arros al forn), puis Antonio (arros en bledes), puis Martin (arros en marisc) saluer la Femme du Peuple, la sobrina… et, tant qu’à faire, le mari de la Femme du Peuple aussi... Les trois frères (un ingénieur en oranges, un pirate des Caraïbes et un dirigeant syndicaliste ayant des amitiés palestiniennes) passent leur temps à se critiquer et peuvent certainement pas se passer l’un de l’autre. Mais jamais trop longtemps.
Tandis que Martin (que Juana accompagne) s’exprime.

Martin raconte
- N’importe quoi ! Il nous bonnit des craques !
d’abord que la Maïsa, mère de la Mami (épousée sur « pellicule ») (au début du siècle passé) a fait venir (ainsi donc aurait-elle inspiré le scénario d’un film australien ou néo-zélandais primé à Cannes ou à Venise ?) son piano
- A voile, à vapeur, à pédale, à moteur ? n’oserai-je pas demander…
- Il faudrait d’abord, avant toute chose, que tu saches parler et rire en espagnol, douchka !
d’Argentine et que l’instrument (provenant peut-être d’une milonga du quartier populaire de la Boca, près du port
- Arrête de fantasmer, douchka ! Il s’agit d’un piano, pas d’un bandonéon ! Et mon arrière grand-mère n’était ni pute, ni bonniche ! Et son piano, issu d’un excellent milieu, n’avait certainement pas appris à jouer le tango !
ou, plus probablement, de la Confiteria Ideal ou d’un autre endroit encore plus chic) a survécu, juste avant son embarquement, à l’incendie d’un dock et qu’il n’a jamais souffert du mal de mer et qu’il a été acheminé directement
- En pièces détachées ? ne raillerai-je pas encore et continuerai-je à laisser Martin me bourrer le mou…
de Buenos-Ayres à Jativa, par bateau d’abord
- Il y a une ligne directe ? m’entêterai-je à me retenir de rire…
puis à dos d’âne.

Martin annonce ensuite que la Mami, mère des trois frères (et d’une fille), projette de donner bientôt
- Fin juin ?
un concert à Jativa (avec Martin à la flûte, Antonio à la guitare et Andres à la claque) (et Amélia au chant), dans la maison de la Maïsa, sur le piano argentin issu de l’immigration, mais à présent régularisé.

Tandis que la Femme du Peuple intime à Yaki (une ombre à quatre pattes, très sentimentale et
- Et qui raffole des chansons de Charles Aznavour et de Francis Cabrel ! Et de Jacques Brel aussi ! Comme Ana quand elle est un peu pétée et qu’elle se laisse aller !
romantique ou carrément obsédé… qui fait la fête à tout le monde) (même aux voleurs de capucines qui sévissent aux alentours des pots de fleurs du paellero !) (et Yaki suit Moura partout et ne s’arrête que…) (Yaki se couche alors sur le sol et fait semblant d’être morte) (…devant la porte des chiottes ou de la salle de bains) l’ordre de retrouver
- Tout de suite !
et de ramener à la femme du Peuple
- Dérékitima !
une de ses sandales qu’il vient de lui piquer afin de lui témoigner son affection et
que le femme du Peuple enjoint aussi à Yaki de cesser
- Je ne suis le territoire de personne, moi ! Ose seulement !
de lui pisser sur la jambe.

Tandis que Pepe et Kani et Moura et Paco et David ont entraîné Le Peuple voir et, surtout, « auditionner », une mascleta, tirée sur un des nouveaux boulevards de L’Eliana, aux environs de quatorze heures trente.
Et que cette mascleta-là lui a complètement débouché les oreilles.

Je te prends sur mon dos ?

Une crapaude hante les cimetières et ratisse les aires de repos et les sorties d’autoroute en espérant qu’un mâle divaguant accepte
- Je te prends sur mon dos, chéri ?
de se faire aimer
- Et je promets de ne pas te dévorer après l’accouplement, chéri ! Et même de conserver ton sperme pendant au moins une demi-heure !
Et prenne le risque d’être retrouvé mort (sucé, gobé, découpé en petits morceaux) dans les combles d’un immeuble de l’avenue Fonsny (squatté par une colonie de pigeons galeux), dans le coffre d’une voiture (abandonnée au milieu de l’allée principale du cimetière
- Des renflements de terre signalent l’emplacement les tombes des petits agriculteurs, avalés ou broyés par de nouvelles machines agricoles importées d’Inde ou de Chine ! Des chèvres, attachées à des croix, ricanent… et broutent l’herbe et les fleurs aux alentours des mausolées et des sépultures en marbre des koulaks !
d’un petit village de la préfecture de l’Avé), dans un hangar situé à l’angle de la rue Gray et de la rue des Deux-Ponts, dans une gravière ou un cloaque rempli d’ossements humains, dans la chambre froide d’un restaurant libanais des environs de la place Meiser ou sur une plage de Benidorm

Au lit

Mèré ne fume pas au lit, mais, ces derniers temps, il lui arrive quelquefois (par contagion… ou par solidarité pour son mari) de ne plus se contraindre… et de se lâcher…
Poliment, avec la délicatesse qui le caractérise et pour détourner pudiquement l’attention, Vieux Didier profite de l’occurence pour poser à Mèré
- S’accoupler avec une chèvre rose, petite chérie, permet-il à un mâle normalement constitué de guérir de toutes les maladies vénériennes ou seulement lesquelles ?
- Quand on est sourd, douchka, on ne pose pas tant de questions !
- Je suis peut-être sourd, petite chérie, mais j’ai encore du nez !
une question à laquelle celle-ci ne prétend pas répondre. Ou bien fait-elle semblant
- Mets le son plus fort, douchka, je ne t’entends pas bien ! Approche-toi de mon oreille !
- Mais finalement, petite chérie, qui est sourd dans ce ménage ?
de ne pas l’entendre, hibernant sous sa couette, baissant sa température corporelle, ralentissant son rythme cardiaque, dépensant le moins d’énergie possible ?

Et pourquoi alors, lorsque Vieux Didier lui demande sa main, Mèré lui tend-elle la télécommande de la téloche ?

Mèré ne fume pas au lit mais il lui arrive maintenant, quelquefois, de pèter… et elle prétend alors que ce sont les pieds de Vieux Didier qui fument. Et elle lui ordonne d’aller se laver.
Vieux Didier s’insurge.
- Personne ne peut obliger un léopard à prendre une douche ! J’y perdrais toutes mes odeurs d’aisselles rances et de sueur humaine… et la saveur musquée de mes vieilles chaussettes ! Ce serait une offense impardonnable, l’humiliation totale ! Je ne m’appartiendrais plus ! Les mouches, les moustiques, les microbes et les rats ne viendraient plus vers moi ! Plus personne ne me reconnaîtrait !
Mèré incrimine les pantoufles de Vieux Didier (offertes par Eric et Alice, avec un pyjama, à l’occasion de sa mise au placard). Mèré dit que cela schlingue grave.
Vieux Didier, lui, sait
- Kwasa ?
que ce sont ses pieds
- Kisa ?
qui commencent à pourrir. Mais il laisse, il laisse, il laisse dire…

Antoine Wiertz et Jean-Pierre Kabeya Nyonga

Place R. Blyckaerts.
Antoine Wiertz, Jean-Pierre Kabeya Nyonga, Madame Octavia et Vieux Didier attendent le bus 96
- Non, douchka, le 95 ! Le 96 va à Delta
- C’est ce que tu dis, petite chérie…
jusqu’à Heiligenborre.
Un jeune garçon de trois ou quatre ans court derrière un pigeon.
Pigeon. Pigeon. Pigeon. Toujours le même. Toujours le même. Pigeon. Pigeon. Pigeon. Le même qui s’envole et le même qui se pose. Pigeon. Pigeon. Pigeon. Comme un coq poursuivi par un cuisinier. Jusqu’à l’épuisement des deux acteurs.

Des retraités (ou sont-ce des chômeurs âgés ?), assis sur les bancs, regardent passer les voitures et les vélos. Et s’arrêter les bus dans lesquels les gens
montent et dont les gens
descendent. Des inconnus et des connus.
D’abord, François Okito, son épouse et leurs deux enfants.
Ensuite, les parents de Stéphane Dujardin
- Et comment vont Djuna et Lianja ?
- Bien ! Et que devient Stéphane ?
- Il vient d’être engagé comme croupier au casino ! Il a été sélectionné parmi cinq cent autres candidats ! Nous sommes très fiers de lui ! Ce travail lui convient parfaitement, il a toujours aimé vivre la nuit !

Tout ça est bien pépère, non ? Où sont les « écuries » qui organisent des combats de chiens et des courses de voitures volées ? Où sont les enfants dealers qui fourguent des ours en peluche remplis de sachets de cocaïne ou de boulettes de bangui ? Où sont les « bandes » qui se disputent le contrôle de la contrebande des cigarettes russes ? Où sont les Moines Inquisiteurs qui règlent leurs comptes aux Princes du Carnaval ?
La place Blyckaerts n’est plus ce qu’on en lit dans les faits divers des journaux…
C’est très décevant.

Abhorration de Brujana

Brujana demande, clic ! à Mbwa Mabe
- Cesse d’être gentil !
de ne plus lui parler, de ne plus la toucher, de ne plus lui sourire, de ne plus même
- Tu fais chier !
- Mais dis-moi quand même, petite chérie… As-tu encore envie de moi ? M’aimes-tu encore un peu ?
- Je n'ai pas encore réfléchi à la question, Ducon… Je ne crois pas que cette hypothèse soit totalement non-envisageable mais je dois, au préalable, entreprendre des recherches complémentaires qui me permettront de me faire une opinion plus précise et de prendre une décision tranchée ! Laisse-moi du temps…
- M’enfin, petite chérie…
- En attendant, mec, dégage !
la regarder.

Et dire que les gens (sans avoir pris connaissance du dossier, évidemment, sans même avoir cherché interroger le principal intéressé…) prétendent
- Pendant combien de temps pourrait-il (son cœur, sa tête, son estomac, ses intestins, sa vésicule biliaire) fonctionner sans Ana ? se demandent-ils…
que Brujana serait…
- Sans Ana, sa pirogue (chargée de soixante-cinq sacs de sel de dix kilos chacun, d’une dizaine de sacs de ciment de cinquante kilos, de huit sacs de makala et de deux sacs de bangui) coulerait dans la Senne avant même d’atteindre Bruxelles ! délirent-ils…
son oxygène ? Mbwa Mabe est indigné…

Bon, Mbwa Mabe se rend compte
- Laisse-moi, Ducon ! Va te promener, va faire un tour !
que le vin tourne au vinaigre et, prudemment, dégage comme Brujana, clic ! lui en a intimé l’ordre…
Il va donc faire un tour du côté du marché aux esclaves, du côté de l’abattoir ou de la rue de Brabant…
Un certain nombre de personnes étaient exposés dans des vitrines ou en plein soleil
- On pouvait voir mais on ne pouvait pas toucher !
sur des estrades : une jeune fille assise (au livre ouvert), une mère et un enfant, un homme au chapeau, un joueur d’orgue de barbarie, une joueuse de mandoline, un violoniste, une lessiveuse, une élégante à la plage, un mendiant, une élégante au chapeau, une élégante sur une boulevard parisien, un petit cireur de bottes, un berger avec son troupeau de moutons près d’un bois, une instigatrice, une femme en rouge (devant une commode), une geisha à l’éventail et aux papillons, une sainte famille, une petite voleuse, une baigneuse aux lignes courbes et ondulées, deux bébés en terre cuite, un apôtre et un ange, une fillette jouant sur la plage, un soldat en slip règlementaire, une folle, une nonne, une rousse, une glaneuse, une marchande de fleurs, une femme au bouquet, une veuve de pêcheur (pensant à masturber une dernière fois son conjoint à l’agonie et conservant les spermatozoïdes de son défunt mari dans un aquarium ?), une femme au peignoir entrouvert, une femme assise près de la fenêtre, une femme aux chatons
- Beaucoup plus de femmes que d’hommes ! commentent Lilith Liesens, Ouardia Derriche et Marychelo Lopez… une petite frappe en peignoir rouge, se promenant sur la plage et agitant un éventail de plumes, on ne trouve ça nulle part ?
- Très peu d’ouvriers, très peu d’agriculteurs et très peu de militaires … Où sont les bras dont l’infanterie, l’agriculture et l’industrie ont besoin ? Votre génération a-t-elle manqué à tes devoirs patriotiques, fiston ? La relève n’est donc pas assurée ? s’inquiètent les grands-pères de Vieux Didier
- Oui, mais pas de nonettes ni de vicaires ! répond Vieux Didier pour rassurer tout le monde, les copines et les papys…
une espionne, un musicien ambulant, un chat noir endormi sur une chaise rouge, un mangeur de bouillie, une maternité en bronze, une femme âgée soutenue par une jeune femme, une odalisque au fauteuil, une dame en noir, une femme au foulard bleu, une sœur de la charité (s’apprêtant à visiter une pauvre veuve et à lui faucher toutes ses économies), deux femmes à la toilette, quatre baigneuses, quatre jeunes femmes nues se peignant les cheveux, une femme nue (avec des clous enfoncés dans le ventre), une femme allongée sur la terrasse de Roby et Claudine, un homme debout avec un grand chapeau, une jeune fille au béret, une femme à la coiffre d’Arlésienne (sur fond vert), un amateur de coquillages, une courtisane assoupie, une Zora Lee, ne portant pas de sous-vêtements et donnant son numéro de portable à tout le monde, s’étirant les orteils et se caressant les coussinets et se disant disposée
- Veux-tu que je fasse tatouer ton prénom sur mes cuisses à côté de ceux de mes anciens amants ?
à tout faire pour un homme : les corvées domestiques (chercher de l’eau, porter le bois)… la lessive, le nettoyage, le balayage et le repassage… la cuisine, la couture et le cul… et la transmission du patrimoine génétique du mâle…
- Dégage, Ducon ! Ecrase et disparais ! Je ne veux voir voir ta sale gueule ! Ni entendre parler de cette Zora Lee qui, de toute évidence, gagne sa vie en se contorsionnant sur le ring d’une boîte de strip-tease kasher (ou sur un étal d’oranges ou de tomates hallal) pour camionneurs américains ?
- Ouh là !

Vieux Didier se dit qu’il aurait peut-être intérêt à ménager Brujana…
Et qu’il devrait sans doute s’éclipser, se placer en léthargie, tourner au ralenti, faire descendre à vingt le nombre de ses pulsations par minute, ne plus être trop bruyant (en tournant les pages de son journal), cesser de se mouvoir, ne pas déplacer d’air, surtout ne pas bander, bloquer sa respiration…

Ou ne devrait-il pas plutôt…
- Ça pourrait ranimer les braises de notre makala, non ?
jeter de l’eau gazeuse sur l’huile de palme bouillante… Et faire en sorte que l’incendie reprenne de plus belle ?
- Ça t’arracherait la gueule de me le dire, petite chérie, que tu m’aimes, non ?
Brujana ne réagit même pas aux provocations de Vieux Didier. Elle le nie totalement…
Vieux Didier décide alors d’attaquer sournoisement… d’être méchant… de critiquer le régime, le ventre plat, les fesses dures et la taille de guêpe de sa femme… et de la traiter de kwashiorkor…
- Dis-moi, petite chérie, quand tu es anorexique, tu défèques, tu urines, tu éternues, tu craches, tu pleures, tu mouilles et tu saignes du nez avant de monter sur ta balance, j’espère ? Et tu penses à te peser avant de boire (avec deux sucres et un doigt de lait semi-écrémé chaud) ton café et de faire tes courses chez Delhaize après avoir mangé et jamais avant ?
Brujana, clic ! ne répond toujours pas…
Vieux Didier lui soulève sa robe pour voir si elle ne transporte pas de bombe autour des hanches…
Elle continue de le nier, elle l’abolit, clic ! elle le néantise…

Pas un geste, pas un mot, pas un regard, pas un sourire…
Vieux Didier se désespère.
- Je préfère encore qu’elle m’agresse et qu’elle me vitupère… qu’elle me parle avec hargne, qu’elle me hurle son exaspération, qu’elle me crache son venir dans la gueule…
Vieux Didier ne supporte pas que les tendresses qu’ils ont l’un pour l’autre et que leurs connivences pataugent à présent, et sans qu’il sache pourquoi, dans le désamour… ou le désespoir.
- Si elle me nie, je me nie ! Si elle me traite comme de la merde ? Je suis de la merde ! Et qu’elle ne vienne pas se plaindre après si je pue !

Ana et moi, nous, hou !
ne vieillirons pas ensemble, je, euh !
- Salaud ! Ducon ! Charogne ! Has Been ! Raclure ! Ganache !
mourrai , eh !
- Lâcheur ! Déserteur ! Szatan ! Apostat ! Morve de pieuvre ! Excrément de mouche ! Mangeur de vers de terre bouillis !
le premier, eh !
- C’est dur de vieillir (ensemble), hein? Pourquoi vieillit-on (ensemble) alors, petite chérie ? Seulement parce qu’on a peur de mourir (tout seul dans son trou) ?

Je jette du sel par-dessus mon épaule pour tenir à distance les esprits malfaisants qui nous suivent pas à pas. Je touche des arbres pour leur transmettre mon chagrin.

Hier et ce matin

Hier, à Aalbeke, près de Mouscron, un incendie a détruit complètement un entrepôt de crèmes glacées et
- Mais quelle cuite…
les fumées, contenant du chlore, se dirigeaient vers Courtrai et
ne menaçaient pas Bruxelles et
pourtant, ce matin
- Quelle sacrée cuite je m’étais tapée la veille !
c’est Tantine Betena qui s’est rendue
- A ma place ! Toute seule ! D’elle-même !
à l’hôpital Erasme, sous la pluie, à pied (jusqu’à la place Fernand Cocq), en bus (jusqu’à la gare Centrale) et en métro (jusqu’au terminus de la ligne), pour y faire réparer l’appareil respiratoire de Monoko Mabe.

Vieux Didier et Motema Magique sont des indigènes de la rue Maes

En Europe, Vieux Didier est belge.
Et Motema Magique aussi, entre autres, par mariage…
- La Belgique, ce sont deux chefferies (la Flandre et la Wallonie) et un centre extra-coutumier (Bruxelles), non ? La Belgique c’est une province du Congo qui a fait sécession en 1960, non ?
Et ce positionnempent, leur permet de « tirer leur plan », d’ « arranger leurs bidons », d’offrir des « pralines »
- Et si Moura, la Parisienne, n’en veut pas, qu’elle se suce un bonbon à l’amande rissolée dans du sucre bouillant… des dragées quoi ! Qu’elle demande au duc de Choiseul de lui cuisiner ça !
à Boma ou à Bompa et d’amener des boîtes à tartines au bureau (avec des « pistolets » fourrés aux oeufs brouillés) ou en pique-nique…
Toutes activités « de première nécessité » qui, dit-on, ne peuvent être entreprises sérieusement qu’en Belgique.
Etre belge leur interdit, évidemment, de dire que le fond de la mer du Nord est recouvert d’immondices (tandis que les mouettes bombardent d’excréments les voitures décapotables et les touristes en maillots de bain) et de substances toxiques produites par l’agriculture et l’industrie et de détritus plastiques non-biodégradables et que l’Ardenne profonde (où des naufrageurs de Guillaume de la Marck allument des feux en forêt pour appâter les marchands ambulants et fasciner les petits enfants et les attirer tous vers la maison d’un ogre famélique déguisé en garde-chasse), pue l’eau bénite moisie, la pisse de sanglier porteur de la peste porcine et la bouse de vache diarrhéique (faisant ses besoins dans le lit de la Diglette ou de la Wassoie)…
mais ça leur permet de ne pas être identifiés comme Anglais, Hollandais, Allemand, Luxembourgeois, Français.
- Ce sont quand même d’excellents voisins, toch ! On se prête du sel, des oignons ou des oeufs ! Même si, parfois, ils font semblant de balayer devant leurs portes pour observer les allées et venues de nos visiteurs et prendre note du numéro des plaques d’immatriculation des voitures qui s’arrêtent devant la maison !

A l’intérieur du royaume
- Un camion perd soudainement son pantalon (tandis que ses chaussures se délacent) et dévale à grande vitesse les marches qui mènent à la colonne du Congrès et percute un des deux lions qui montent la garde au chevet du soldat inconnu ! Ça craque de partout ! La Belgique se délite !
de Tintin, Vieux Didier et Motema Magique sont bruxellois.
- Bof, la ville de Bruxelles n’est pas née en Belgique, elle existe depuis toujours, elle survivra bien à la disparition du pays, non ?
Et ça leur permet de ne pas être Wallons (rattachons Bruxelles à la France !) ou
Flamands (établissons un califat néerlandophone sur le territoire de Bruxelles !) et
de ne pas appartenir à cette espèce précieuse et recherchée que sont les « membres de la communauté germanophone de Belgique ».
- Mais on s’entend bien avec tous ces proches-là, toch ! On se salue. On s’insulte (esclavagiste sadique, prédateur vorace, porc dégénéré !)... On s’envoie des vannes et des billets d’amour (ma faille, ma brisure, ma fêlure!) (ton Football-Club de Brugge, ton Union Saint-Gilloise et ton Standard de Liège !) (mes grosses frites coupées à la main, ma sauce-mayo et mon cervelas !)… On fait des affaires ensemble… On se donne des coups de poing sur la gueule, on se casse le nez et on échange des numéros de téléphone à la sortie des stades ou des estaminets… On fornique aussi en néerlandais dans l’Entre-Sambre-et-Meuse (et on enfonce son museau dans la vallée du Viroin !) et en français dans les buissons (nus ! sans bottines ! corps à corps ! nzoto na nzoto ! l’un dans l’autre ! l’autre sur l’un ! et de travers aussi !) du jardin botanique de Meise.

A Bruxelles, Vieux Didier et Motema Magique sont Ixellois. Ça lui permet de ne pas être Etterbeekois, Auderghemois, Saint-Gillois …
- Mais on fréquente quand même avec beaucoup de plaisir Joëlle Baumerder, Stany Dolenga, Marychelo Lopez, Jean Bofane, Didier Beaufort, le restaurant camerounais « chez Milla » et la brasserie de l’Union, toch !

A Ixelles, Vieux Didier et Motema Magique sont de la rue Maes, pas loin de Matonge, et
- En fait, c’est Matonge qui se rapproche de la maison (d’abord le Buja et maintenant le 333)… Déjà Hélène nous dépasse et nous englobe…
hier encore, ils sont rentrés, vers quatre heures et demi du matin, à l’heure où les derniers noctambules croisent les premiers maraîchers et sont
- Comment étiez-vous ? Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ?
- On ne sait plus…On était pas en état de le savoir…
complètement saouls, d’une virée dans les bistrots du quartier et
- Mais où étiez-vous donc encore allés ? jalouse Alain Brezault…
- Un peu partout…
- Chez Honorine et Vieux Henri, chez Ma Betty, chez Chantal, chez Monique, chez Jackie, chez Judith, chez Hélène ?
- Sans doute…
sont allés se coucher mais pour stabiliser les liquides qui pliquent-ploquent dans son estomac Vieux Didier est redescendu tout seul à la cuisine et s’est préparé un casse-vitesse (en sous-vêtements pour que son
- Mais qu’est-ce que tu racontes, douchka ! Tu dors à poil ! Tu ne mets jamais de pyjama, sauf pour aller au lazaret ! Encore heureux qu’Eric et Alice t’en aient offert un et que tu ne te tapes plus la whonte à wonze heures… lorsque tu dois passer la nuit au laboratoire du sommeil de l’hôpital Erasme, chez les dingues et les paumés…
pyjama ne prenne pas feu) et se fait cuire une soupe au pain sec, aux lardons et au chou… et a longuement observé un pigeon qui picorait un joint sur le mur du jardin des voisins et n’a pas oublié
- C’est bien ce que tu m’as recommandé, petite chérie ?
de remettre la cuiller dans la casserole après l’avoir léchée.

Vieux Didier et Motema Magique sont de la rue Maes.
Et ça leur permet de ne pas être de la rue Vilain XIIII ou de l’avenue Franklin Roosevelt ou de la chaussée de Vleurgat ou de l’avenue Winston Churchill.
Ou du cimetière communal d’Ixelles… où la Malibran n’a pas
- Je l’ai cherchée longtemps ! En vain ! On ne range donc pas les morts par ordre alphabétique dans les cimetières ? Combien doit-on payer pour être enterré à l’ombre des arbres ?
été enterrée…mais où reposent
- Pour l’éternité ? Sans risque d’expropriation ?
- Ici, les morts peuvent rester dans leur niche toute leur vie ! Ils sont trop fragiles pour être transportés ! Tant qu’ils paient, on ne les déménage pas ! Et d’ailleurs, la commune ne dispose pas de chapelles de retraite pour les vieux morts !
toujours le général Boulanger, sa maîtresse et la fille d’un copain, Lilian Tala-Ngai…
Le croque-mort reçoit ses invités sur le trottoir. Devant la boutique située en face du cimetière.

Vieux Didier et Motema Magique habitent une petite bicoque dans le haut de la rue Maes, entre la maison de la famille Mahjoubi et celle de « la nièce du pasteur
- Attention, douchka ! Tu joues avec le feu ! Tu vas finir par t’attirer des emmerdes…
hongrois », en face de la baraque de Jean-Louis et d’Eva, à trois ou quatre numéros du toit d’Anne-Louise et de Tony, mais ils sont toujours prêt à repartir ailleurs…

Deux sacs patientent, comme des chiens de pauvres, dans le vestibule, près de la porte d’entrée. L’un avec des journaux, un rasoir, une brosse à dents, du yombo et un appareil respiratoire d’appoint. L’autre avec un nécessaire de toilette, des livres, une revue de mots croisés, un scrabble, des aiguilles
- Tu te fous de ma gueule, douchka ?
- Ben oui, petite chérie…
à tricoter… et Vieux Didier et Motema Magique prennent leur mal en patience, assis sur des tabourets blancs en plastique, et attendent qu’ils
- Les flics préposés au contrôle de la longueur et de la largeur du bec des oiseaux ? Les infirmiers et les ambulanciers ? Les remords, les croque-morts et les convoyeurs de fonds ? Les esprits tourmenteurs et les fantômes (depuis que nous avons quitté le monde des vivants, nous ne mangeons plus que des légumes bouillis, sans huile et sans poisson !) (même la farine de maïs nous est interdite !) (le prix du verre de sucre ou de sel est devenu prohibitif !) affamés ? Les surveillants de dortoir de l’internat de l’athénée royal de Rösrath ? Les livreurs de pizzas ? Les éboueurs et les huissiers ? Les souvenirs, les escrocs, les contrebandiers et les Témoins de Jéhovah ? Le cycliste-taximan qui doit les conduire à l’aéroport de Zaventem sur son Toleka ? Les passeurs qui doivent les aider à franchir la frontière irakienne ou afghane ?
son-
nent et qu’ils viennent les cher-
- Tragiquement, mercredi, il y a eu un certain nombre de victimes civiles lors d’un raid aérien de l’OTAN visant les Talibans, dans la vallée de Gereshk, au sud du pays, dans la province de Helmand…
cher.

Je, première

Les Codroni (dits Jean-Emile et Viviane), Alain (dit Brezault), Marychelo Lopez (dite Marie), Abdellah Hanifa (dit Abdou) et…
- Et Françoise (dite De Moor) ?
- Elle est déjà rentrée ! Avec Arno !
- Et Frégate ?
- Frégate est restée dans la voiture d'Alain !
- Il faut en avoir de la patience pour exercer la profession de chien domestique chez les Blancs !
- Oui, mais en général on est bien nourri !
et Monoko Mabe (dit Vieux Didier) après avoir été invités par tantine Betena (dite Muka) à « courber le bras » au numéro 21 de la rue Maes, terminent la soirée chez Michel Dehoux (dit le mollah Omar) et Odile Fabregoul (dite Odile).

Au Tournant.
Encore ouvert à cette heure tardive : c’est le grand raout de fermeture avant d’importants travaux de transformation du bâtiment.

Jipéji
- Si je n’avais pas été là… Grâce à moi…
sachem de la tribu de Semwakis, dit sa messe, comme tous les soirs, au comptoir.
Et se pose (c’est vachement angoissant !) la question de savoir dans quelle autre église il va désormais pouvoir, ces prochains mois, recevoir ses amis et rencontrer ses fidèles… et leur prêcher la bonne parole…

Chaque vie est un roman et certaines le sont plus que d’autres… Le père Caudron (il devait être complètement bourré !) demande
- J’aime ta façon d’écrire…
à Monoko Mabe s’il ne voudrait pas écrire sur lui.
- Le roman de ma vie, quoi ! Je, quoi !
- Je ?
- Ben oui, « Je » comme Jean-Emile, quoi ! Ça serait un chouette titre pour un bouquin, non ?
Monoko Mabe a beaucoup d’amitié pour le père Caudron,
Monoko Mabe est aussi bourré que le père Caudron et… ne refuse pas sa proposition… Il se dit qu’il pourra toujours… peut-être… sans doute… essayer de faire ça au Togo, lors d’un prochain séjour à Nassogne (en novembre, décembre et janvier ?)… mais Jean-Emile devrait d’abord lui envoyer une cassette dans laquelle
- Devant combien de personnes t’es-tu déjà déculotté, Jean-Emile ? Ta vie est un brouillon sans cesse recommencé que tu n’es jamais parvenu à mettre au propre ?
- Combien de pantys, de collants, de bikinis, de strings et de caches-fri-fri, ai-je déjà enlevé à combien de personnes dans ma vie ? C’est ça ce que tu veux savoir ?
il accepte de se foutre complètement à poil.
Mais Monoko Mabe se demande quand même comment faire entrer Tantine Betena dans le roman de quelqu’un d’autre ? Sans qu’elle s’y perde, quoi ! Sans qu’elle l’oublie !
- Et puis qu'en penserait Viviane, petite chérie ?
- Accepte, douchka ! J’aurai enfin la paix ! Oublie-moi ! Que je puisse souffler un peu…

Et se reconnaîtrait-il, Jean-Emile, dans la vie que Monoko Mabe lui inventerait ?
Tantine Betena, que Monoko Mabe « pratique » abondamment, depuis qu’il s’est remis à écrire, prétend
- Qui suis-je pour toi, douchka ? La folle du roi… un personnage de BD que tu invites à faire des bulles de temps en temps… lorsque ça t’arrange… comme un poisson-chat à qui on donne quelquefois la permission de prendre un peu d’air à la surface d’un marais saumâtre ? Qui suis-je… un faire-valoir ou une personne réelle ?
- Tu es mon immondice, ma charogne, mon remugle, ma décharge publique ! Tu es ma femme plus belle que la leur ! Tu es ma flore intestinale ! C'est seulement toi que j'aime !
- Mets ton masque ! Soigne-toi ! Et croque des pommes… c'est excellent pour les dents en porcelaine ! Et sache que mon poisson-chat a des dents très pointues !
ne jamais se retrouver dans ce qu’il écrit d’elle…

Dieu est un mendiant aveugle

Dieu, d’habitude, on le reconnaît tout de suite à son chapeau. Quand un coup de vente le décoiffe, Dieu cesse d’exister.

Le gaillard est un aveugle mendiant qui tient fermement en laisse une gamine de dix ans (lui tordant l’épaule et lui pinçant le bras) (l’obligeant à le conduire dans les marchés, devant les banques commerciales et sur les plages à vacanciers) (exigeant qu’elle le nourrisse quand il a faim, lui tienne la quéquette quand il doit
- Mwana, je voudrais me soulager !
- Nafungula etirette nayo, Papa ?
pisser, vide son sac à sperme quand des crampes le tenaillent).

Tout le monde sait dans quel café de la place Dailly ou de la place Saint-Josse ou du parvis de Saint-Gilles il se saoule la gueule (prenant les toilettes-hommes pour une salle d’attente et s’asseyant dans un urinoir pour reprendre souffle) et bouffe un sandwich-mitraillette avec le produit de ses quêtes…

Tout le monde sait où il opère… quels marchés du Midi ou de l’Abattoir, quelles plages de Blankenberge ou de Nieuport, quel trottoir situé
- Vous avez une pièce de deux euros ? Non ?… Vous êtes tuberculeux !
au rond-point Schuman (devant l’agence européenne de BBL-ING) ou sur la place Flagey (devant l’agence Fortis ou le Belga) il fréquente…

Dieu est aussi un aveugle qui demande à Vieux Didier de l’aider à traverser la chaussée de Waterloo, à la hauteur du parvis … et lui agrippe la taille et…
- Est-ce un gérontologue, petite chérie ? Est-ce un gérontophile ? Dois-je rester poli ? Ça craint…
- Rassure-toi, douchka ! Peut-être s’agit-il d’un simple (connu sous cinq alias et pour treize faits) pickpocket ? Et aime-t-il se glisser dans les cimetières et faire les poches des cercueils ?
- Eh oh ! Je ne suis pas encore mort !
le pelote et le tripote.
- Eh Oooh !

Qu’attend-on
- Altère ta joie, satyre !
pour arrêter Dieu et le traduire en justice ? Le capturer, prendre son pouls, analyser ses crottes, lui passer un collier-émetteur autour du cou ?

Condamné par la médecine moderne, Dieu peinait à survivre. Il envisageait très sérieusement de recourir aux services des sorcierrs.


Les jeudis du scrabble

Jeudi.
Plein soleil.
Brujana
- Ton soleil je n’en veux pas (à Ixelles, dans une chambre mansardée, sous les combles). Je vais prendre le mien ailleurs !
amène « Le Soir » à Vieux Didier… et lui apporte le café au lit sur un plateau et
- Bonjour douchka, tu as bien dormi ?
comme tous les jeudis de la semaine, s’en va jouer
- Déjà ?
- Tu as vu le temps qu’il fait ?
au scrabble avec Alain Brezault.
- Je ne prends pas la voiture, je vais en bus… Il y a plein de choses à entendre dans les bus !
Dès dix heures, dix heures quarante, onze heures, midi moins le quart, midi, treize heures moins vingt, treize heures…
- On va pouvoir jouer dans le jardin toute la journée ! Tu m’accompagnes, douchka ? Ce serait chouette, non ? Et ça ferait plaisir à Alain…
- Je ne suis pas ton prétexte, ton alibi, ton faire-valoir, ta gouvernante, ton garde du corps, ton petit chaperon rouge ! Je ne suis pas ta muse, ton arbitre, ton juge de touche, ta petite machine à calculer les points, ton obligeant chercheur de mots rares dans le dictionnaire ou sur internet ! Je n’ai pas envie de me faire chier à lire Télé-Moustique et Le Ligueur pendant que vous êtes sous votre bulle !

Ce soir, après le boulot, Françoise De Moor ira directement à la piscine tandis que Vieux Didier…
restera directement à la maison, dans la chambre ou dans son bureau, devant un écran, celui de la télévision ou celui de l’ordinateur, et attendra, attendra, attendra, attendra, attendra, attendra, attendra…
jusqu’à seize heures, dix-sept heures, dix-huit heures, dix-neuf heures, vingt heures, vingt et une heures, vingt-deux heures, vingt-deux heures quarante, vingt-trois heures, minuit moins le quart, minuit, une heure moins vingt, une heure…
que Brujana revienne…
- A quelle heure devrai-je cesser de t’attendre, petite chérie ? A quelle heure le dernier bus 96 quitte-t-il Heiligenborre ?
- Non, douchka, le 95 !
- De toute manière, 95 ou 96, ce que je voudrais savoir, moi, c’est à partir de quel moment je peux commencer à me masturber…
- Oh ! Qu’est-ce que tu me racontes là, douchka ? Tu es drôle comme du chocolat ! Ça poisse ! Tu me prends pour ton récipient ou quoi ?

Furieux, Vieux Didier prendra la décision de se venger.
- D’ailleurs, je ne t’accompagnerai pas à Paris, Badja, Carcassonne, Lagos, Eivissa ou Valencia... Tu ne m’enverras plus à Kinshasa… Et je donnerai ta tablette de chocolat poisseux (celle qui tu as précieusement cachée au pied de la table de nuit de ton côté du lit) au chien d’ Arantxa…

Interdiction de fumer dans les bureaux

Quand il sera interdit
- D’ici quelques mois ! Je ne pourrais jamais m’y faire, petite chérie…
de fumer dans les couloirs, les ascenseurs et les bureaux de la Régie des Bâtiments
- L’évolution de la société me chagrine! Et l’envolée du prix du baril de bière et de la cartouche de cigarettes commence à m’inquièter sérieusement ! Et je me demande ce que boiront et fumeront nos petits-enfants ? Et s’ils reprocheront à leurs grands-parents de les avoir mis au monde dans un monde sans tabac et sans cervoises ? Tout ça me désespère, je vais demander ma mise à la retraite…
Vieux Didier se décidera-t-il à prendre sa retraite ?
- Si tu désertes ton boulot, je te quitte ! Fais ton devoir de mec, quoi ! Ramène l’argent à la maison ! Comment allons-nous pouvoir vivre avec un seul revenu, ta pension ridicule ?
- Si tu me quittes, petite chérie, je prends Zora Lee comme concubine…
- Mais qui est donc cette Zora Lee ? Esst-elle très engagée sur la scène caritative allemande ? Se dandine-t-elle sur le podium d’un défilé de mode japonais ? Est-ce une bulawayo d’Auderghem, une londonienne de Woluwe-Saint-Pierre, une fioti-fioti de Watermael-Boitsfort ? Et avec quel argent (et ça coûte cher, ces femmes-là, il vaut mieux que tu le saches) comptes-tu l’entretenir ? As- tu braqué la caisse de la Maison du Livre ou de la Brasserie de l’Union ? Disposes-tu de fonds secrets dont tu m’as toujours caché l’existence ? As-tu reçu un héritage, vendu une maison de famille, touché une assurance-vie ?

Sera-t-il alors aussitôt plaqué par Motema Magique et prendra-t-il Zora Lee en concubinage… pour qu’elle lui fasse la cuisine, l’amour (les promenades dans la forêt de Soignes, les papillons qui se posent sur sa bouche et sa braguette) et
- Et chercher encore à te reproduire, douchka ?
- Mais non, petite chérie ! Seulement pour ne pas me sentir trop seul dans mon lit ! Toute la journée, sans rien d’autre à faire que de lire le journal ! Surtout en hiver !
un peu de repassage ?

C’est de l’amour ou de la gourmandise ?

Echanges copulatifs (mais rien ne vaudra jamais les dialogues des Codroni, Jean-Emile et de Viviane) :

- Le mari de le femme du Peuple: Mais pourquoi donc, petite chérie, dans la nuit d’hier alors que nous revenions (en titubant) du Carrefour ou du Tournant ou de la Mandibule, m’as-tu dit que les sauriens sont des vauriens ?
- La tomate verte de Valencia (que rien n’effraie, ni même l’envol bruyant d’un faisan besogneux, d’une chouette miteuse ou d’un corbeau décharné… et surtout pas les bâillements furieux d’un crocodile affamé): Je t’ai dit simplement, douchka, que les sauriens n'en sauront rien !
- Le mari de le femme du Peuple: Et ça veut signifie quelque chose, petite chérie ? Y a-t-il, dans cette affirmation quelconque, un sens caché, secret, profond ?
- La tomate verte de Valencia : Rien du tout !
- Le mari de le femme du Peuple : Mais tu me donnes quand même un bisous, petite chérie ?
- La tomate verte de Valencia : J’y penserai peut-être (c’est inspiré par l’amour ou par la gourmandise, ta requête-là, douchka ?) (ou s’agit-il d’une simple revendication syndicale ?) un jour ou l’autre !
- Le mari de le femme du Peuple : Tu m’aimes donc encore un peu, petite chérie ?
- La tomate verte de Valencia : Je ne sais plus ! C’est très variable…
- Le mari de le femme du Peuple : On baise alors, petite chérie, pour vérifier ça tout de suite ?
- La tomate verte de Valencia : Rien du tout ! Si tu veux m’aimer, tu paies ! Sinon tu vas montrer tes couilles ailleurs ! Pas d’argent, pas de sexe !
- Le mari de le femme du Peuple : Aaaah, petite chérie ! Ofele kaka ! Laisse-moi encore te faire encore un bel enfant !
- La tomate verte de Valencia : Ofele, gratuitement ? Jamais!
- Le mari de le femme du Peuple : Il sera le plus fort (on l’appellera Elombe), le plus chef (on l’appellera Makoko ou Ngaliema) et le plus saint (on l’appellera Bakanza) de tous nos enfants, petite chérie !
- La tomate verte de Valencia : Le plus saint ? Ne joue pas avec mes sentiments, douchka !
- Le mari de le femme du Peuple : Aaaah, je meurs…
- La tomate verte de Valencia : Mourir, chez toi, est devenu une sale habitude ! Il faut que ça s’arrête ! Mais dis-moi quand même, douchka, avant de mourir, comment trouves-tu ma robe ?
- Le mari de le femme du Peuple : Tu as déniché ça dans le catalogue de La Redoute ?
- La tomate verte de Valencia : Evidemment ! Et qu’est-ce que tu en penses ?
- Le mari de la femme du Peuple : Beaucoup trop habillée, petite chérie, on ne voit même pas la couleur de ton string !


Quand on est atteint de la maladie d’Alzheimer, il n’est pas toujours facile de toucher une cible ivre.

Pourquoi se tirer une seule balle dans le pied (et risquer de se rater et d’atteindre la moquette) alors qu’on pourrait s’en tirer deux (au moins) ? Et quel pied choisir sans humilier l’autre ?
Et pourquoi ne pas, plutôt, fusiller un lave-linge ou un distributeur de cigarettes (lui perforer le foie, l’estomac et le pancréas), brûler la cervelle d’un aquarium, cribler de balles un corbillard (tracté par un cheval cachectique), ouvrir le feu sur un téléviseur ou le cercueil de saint Monon, faire sauter le hublot d’un tabernacle ?
Ou faire exploser la Tour de Babel, le phare d’Alexandrie, le colosse de Rhodes, la muraille de Chine, les grandes pyramides, le barrage d’Inga, le cheval de Troie, la Vénus de Milo ?
Ou faire péter le sourire de la Joconde et lui trouver des œufs dans la petite culotte ?

Trois souvenirs inoubliables : deux gros suçons et la main prise en étau

Ixelles-Matonge. Rue de Dublin. Au
Carrefour, chez les Bena Kadiebwe. Au-
jourd’hui, c’est l’anniversaire du patron, oh !

Une paella, commandée par Vieux Henri, a été préparée
- Avec des fruits de mer !
par une jeune mariée, toute neuve, Arantxa

Catalogue, la Valenciana
- Avec des mariscos ? Que pasa, mujer ! C’est une hérésie basque ! C’est du terrorisme ou de l’autonomisme ! Une vraie paella, ça ne peut se faire qu’avec du poulet et du lapin !
s’insurge mais
- Mais la tienne est délicieuse !
complimente Arantxa.

Tandis que Aimé Bukasa se sert et
se resert et
se resert et
se resert et
- Eh oh ! Molo !
se fait taper sur les doigts par Vieux Henri et
que, plus tard dans la soirée, Barça bat Arsenal et
que, plus tard encore, Rachou-la-Vamp(ire), par deux fois, suçonne les vieilles peaux du cou.
- Eh oui ! Je préfère exercer mon art sur la peau des Blancs ! Surtout des vieux ! Ma marque s’imprime mieux sur les peaux livides, non ?
- Oooooh ! Stop ! Ana, au secours ! Rachou, arrête ! Au viol ! On part à Paris demain ! Chez ma belle-mère et sa frangine ! Que vont penser Mamushka et Moura ? Et Ima Mukakimanuka et François Goublot (enfin un nom qui se termine par « o » !), oh !
du Peuple…

Tandis que, beaucoup plus tard encore, Prosper-l’homme-fort griffonne et remet au Peuple son adresse (133, rue Henri Jaspart à Saint-Gilles) sur un morceau de papier et
- Putain, je l’ai reconnu à son étau, ce salopard !
lui serre et lui écrase et lui broie les petits os des doigts.
- Putain, quelle poignée ! Je me suis encore fait avoir ! Je me suis à nouveau laissé (sur)prendre par les pinces, couvertes de poils, d’un crabe sous-marin monstrueux !

Quels suçons, quelle poignée, quelle soirée !
Le Peuple et Catalogue sortent du Carrefour, complètement pétés, à quatre pattes
- Et, pour ce qui me regarde, meurtri de partout ! bougonne le Peuple… Heureusement que le prochain anniversaire de Vieux Henri ne se fêtera pas avant l’année 2007 !