mardi 4 mai 2010

AnaCo 2 - Mobali na nga azali parano trop ! Ça fait longtemps (Vieux Didier retrouve Zora Lee dans son jardin)

Didier de Lannoy
Vieux Didier s'intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille (avec Zora Lee et bus 96)
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 2
Deuxième compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant toujours le beau rôle, la vie dure qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac




Sur l'agence AnaCo, voir aussi:
http://anaco1.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/


Sur le Congo, voir aussi (notamment):



Mobali na nga azali parano trop !


Chacun a ses manies.

- On ne doit pas mettre les tomates au frigo pour qu’elles gardent leur goût ! Il faut mettre du sucre dans les œufs en neige ! On doit toujours laisser la fenêtre de la cuisine ouverte ! Il faut placer les verres dans le lave-vaisselle ! On ne met pas de sucre dans les œufs en neige ! Il ne faut jamais oublier de fermer la fenêtre de la cuisine ! On lave les verres à la main ! Il est interdit de tricoter le dimanche ! On ne mange pas le fromage avec du beurre ! Il faut fermer la moustiquaire à cause des mouches ! On enlève les assiettes immédiatement après avoir mangé ! On ne doit pas fermer la moustiquaire, il n’y a pas de moustiques ! Il est inconvenant d’enlever les assiettes tant qu’on est encore à table ! Une baguette beurrée avec du fromage est un véritable délice ! Il faut conserver les tomates au frigo pour qu’elles restent bien fraîches ! On peut tricoter le dimanche parce que le tricot (contrairement au crochet) n’est pas un travail mais un loisir !

- D’accord, d’accord, d’accord…Je prends bonne note…

- Et, surtout, on ne parle pas de peigne à table !

- Mais voyons, Mamy, je vous demandais seulement de bien vouloir me passer le pain !


Quand Vieux Didier est au pouvoir, il impose les miennes. Il en fait des règlements de police domestique.

Mais quand il est à l’étranger

chez des parents ou chez des amis ou chez des inconnus qui ont eu la gentillesse

- Notre maison est ta maison ! Tu es chez toi et tu agis à ta guise ! Le frigo est à la disposition de tout le monde ! Chacun contribue à son approvisionnement et chacun se sert à sa façon ! Tu y prends ce que tu veux ! Et voici la clef de la porte d’entrée ! Et tu sors quand ça te plait et tu rentres quand tu en as envie !

ou ont commis l’imprudence de l’inviter à passer quelques jours chez eux, et qu’il glisse alors d’une législation à l’autre, Vieux Didier doit se retenir de donner son avis et de dire ce que je pense… et ne pas s’étonner, par exemple, que l’on verse

- Nom di dju ! Mais c’est du sabotage, ça !

de l’eau au fond des cendriers marocains… qui deviennent alors des mouroirs à mégots… et se montrer flexible et

- Sans problème !

malléable et

- Comme vous dites !

obéissant

- A sus ordenes, coronel !


Et quand, après deux ou trois jours, on le regarde de travers et que Vieux Didier a la nette impression de commencer à sentir le poisson pourri ou le camembert passé, il se demande toujours lequel des dix commandements il a bien pu trans-

- Tu es parano, douchka !

- Je n’aime pas que tu me dises ça, petite chérie ! C’est un peu court ! Ça disqualifie tout ce que je ressens !

gresser ? Les rognures de ses ongles et les croûtes de ses plaies purulentes, par exemple, aurait-il dû, se demande-t-il, les jeter à la poubelle (emballées ou non dans un mouchoir en papier ou dans une feuille d’aluminium ) ou les donner au chien ou aux chats (ou aux deux) de la maison ou des voisins ? Angoisse ! Horreur (aux marrons et au chocolat) ! Comment ne pas déplaire ?

Va-t-il trop souvent aux toilettes ? A-t-il tiré la chasse trop fort ? A-t-il fait couler trop d’eau en se lavant les mains ? A-t-il mis trop de beurre sur sa tartine ? Peut-être a-t-il

- Mawa vraiment ! Tu es complètement parano, douchka ! Qu’est-ce que je vais pouvoir faire de toi ?

- Mais non, mais non ! Je ne suis pas cocu (dans quel journal ai-je lu que le paranoïaque est le seul mari qui ne croie pas que sa femme le trompe ?) et je ne tiens pas à le devenir !

consommé trop de gaz, pris trop de bains, oublié d’éteindre l’ampoule du couloir ? Où en est l’enquête

- Que personne ne bouge !

sur la disparition mystérieuse d’une baguette de pain rassis, d’une tomate et d’un poivron, de deux tranches de jambon desséché, de cinq ou six raisins moisis

- Où est passé le couvercle de la casserole rouge ? Qui a mangé mes raviolis ?

d’un maillot de bain mis à sécher sur le fil à linge et du yoghourt du bébé qui se trouvait, hier encore, dans le frigo ?


Doit-il écraser, se retenir de péter les plombs, baisser les yeux, mettre les verrous, fixer les murs ou le plafond, s’abstraire, inventer l’omelette sans œufs et la purée de pommes de terre sans pommes de terre, s’enfermer dans un long silence, faire ses bagages et déguerpir au plus vite ?

- Mais quelquefois, douchka, ça se passe bien, non ?

- Le plus souvent, oui ! Et peut-être, comme tu me le dis parfois, suis-je encore plus insupportable à la maison, lorsque c’est nous qui recevons des potes ?

- Certainement, douchka, beaucoup plus ! N’oublie jamais que tu es complètement parano !

- Lokuta na yo ! Naboyi !



Les anciens de Mbanza-Mboma


Construits en briques « adobes » en dix-neuf cent quarante-six, les bâtiments du collège Notre Dame de Mbanza-Mboma (salles de classe, bureaux, dortoirs et réfectoires) sont, à présent, dans un état de délabrement avancé. « Si rien n’est fait avant

- Et nous sommes déjà à la moitié du mois !

début septembre, le collège Notre Dame ne pourra pas recevoir les enfants à la rentrée scolaire prochaine », a déclaré l’abbé Théodore, préfet des études du collège.


Ainsi donc, les anciens de Mbanza-Mboma ne seront-ils bientôt plus anciens de rien de tout ?


Surtout ceux qui ont été foutus

- Par une simple lettre qu’on demande à l’élève (sans tenir compte des risques de chicotage qu’il encourt, le gaillard !) de remettre à ses parents ou à l’oncle qui paie ses études… en espérant un « return » sur investissement ! Licenciement sec ! Sans préavis ni indemnité ! Pour faute grave !

- Pour avoir fait quoi ? Viens ici et explique-toi, mon gaillard ! Pour avoir fait entrer ta langue dans l’oreille d’une jeune fille du Sacré-Cœur ? Pour avoir caressé avec les doigts la lèvre inférieure d’une jolie monitrice de l'école primaire du plateau ?

à la porte du collège.


Et ceux qui, plus courtoisement, ont été invités à aller (chahuter l’ordre belge et missionnaire, organiser des soirées dansantes à rideaux tirés pour permettre à un jeune jésuite rwandais à la vocation vacillante

- Qu’est-il devenu, Adalbert Bayigamba ? A-t-il survécu au génocide ?

d’enfin s’épanouir, aider les petits zinnekes du village à s’accoupler à la grande bergère allemande raciste et frustrée du frère économe du collège en prenant appui sur un tabouret ou un escabeau, mener une enquête socio-économique sur les conditions de vie des travailleurs de la Mission, transformer Shylock en héros de la lutte anticoloniale et repeindre le monde en d’autres couleurs) ailleurs, en tant qu’étudiants ou en tant que professeurs :

Raphaël

- Le précurseur et le protecteur ! L’aîné ! Malicieux mais courtois ! Affable mais déterminé !

Mpanu-Mpanu Bibanda, Anastase Nzeza Bilakila, Jean Makunga et

- Et Pascal Kongo (l’ethomusicologue), celui qui jouait le rôle de Portia dans le Marchand de Venise ? Et Baudouin Buassa (le toubib), celui qui jouait le rôle de Shylock… en faisant entendre la voix de Patrice Lumumba ?

- Ils n’ont pas eu de problèmes ! Ils étaient déjà en rhéto, on ne pouvait plus les virer !

Vieux Didier lui-même.

- Alias « Douchka » !

- Mais non, petite chérie, je ne pouvais pas être « alias douchka » à l’époque… Ce n’était pas possible…Tu venais à peine de naître… Tu n’avais que deux ans… Je ne t’avais pas encore draguée (laisse-moi encore quelques années)…Tu ne pouvais donc pas m’avoir déjà baptisé…

- Et « Vieux Didier » alors ? A l’époque tu n’avais que vingt-quatre ou vingt-cinq ans, non ? Tu n’étais qu’un « petit » de chez petit…Pourquoi essaies-tu alors de te faire passer pour un « grand » de chez grand ?


Qu’attend donc l’Assacom

- La quoi ?

- L’ Association des anciens du collège de Mbanza Mboma !

pour agir ?


Et les anciens (foutus à la porte ou non) de l’athénée

- Où j’ai appris à me réveiller au son du clairon, à ramper dans la boue et à marcher au pas cadencé ! Où j’ai appris à détester les miradors, les fils barbelés, les uniformes et les saluts au drapeau… Mais où j’ai joui de ne plus devoir aller à la messe tous les matins…

royal-caserne de Rösrath

- Et où j’ai pu apprécier les vertus des alertes antiatomiques décidées par le haut commandement militaire de l’école ! A deux heures du matin ! Deeeubout (comme dirait Alain Brezault) ! Raaasssemblement ! Tout le monde en rang dans la cour ! Et qu’on vérifie que personne ne se cache (on boit, on fume, on suce, on se masturbe, on s’embrasse, on s’encule, on bouffe du dentifrice) dans les toilettes, tout au bout des longs dortoirs !

en Allemagne envahie par les G.I.’s et les églises pentecôtistes, près de Köln, qui donc s’en occupe, l’Assaarr ?

- La quoi ?

- L’Association des anciens de l’athénée royal de Rösrath !

Existe-t-elle seulement ? Subventionnée par le « fédéral » ou par les trois communautés, flamande, germanophone et « française » ? Subventionnée par la Marine ou par l’Armée de terre ?


Et existe-t-il aussi une association des anciens élèves de l’école abbatiale de Sint Andries… dont un certain « prince Philippe » ferait partie… et dont Paulo Carter pourrait

- Philippe avait-il des copains de son âge ? Les invitait-il parfois à la maison ? Qui sont devenus le petits nobles ou les enfants de grands argentiers qui étaient « priés » de venir partager les jeux ou le gâteau d’anniversaire de Monseigneur ? Les laissait-on jouer avec la brebis et l’ours en peluche du citoyen ?

pourrait interroger les membres (cotisants ou non) ?

- L’Assaasa ?


A quel service d’urgence téléphoner


Motema Magique, la tendre épouse de Vieux Didier lui enfonce un couteau à

- Comment tu la veux, blanche ou rouge, ta julienne à la provençale ?

- Va te faire foutre !

steak dans le bide. Et puis elle lui demande à quel service de secours il faut téléphoner d’urgence : les curés, l’hôpital, les flics, la télévision ou douanier sans frontières ? Et elle lui demande

- Kabela ngai inité na benga !

aussi de chercher

- Je ne suis pas ton infirmière !

les numéros d’appel de tous ces gens-là sur internet ou dans l’annuaire.


Son rire énorme pouvait encore changer le monde


Avant-hier Bimanyu Kamanzi, Alain Moens et Ilunga Lupuishi (dit Lup). Hier, Michèle Lefèvre, Ronald Verbeke

- Les nôtres aussi commencent à tomber !

et Kasongo Kimungu. Aujourd’hui, Thérèse Mangot que Vieux Didier avait rencontrée, dans les années soixante

- Elle avait dix-huit ou dix-neuf ans !

à un meeting

- Pour quelle lutte ? L’indépendance de l’Algérie ?

qui se tenait à la Madeleine et

- Dieu, que les femmes de gauche sont vachement plus jolies que les femmes de droite !

qui portait une rose drapeau rouge sur une robe noire moulante.

Elle était communiste alors !

Et, à l’époque, son rire énorme pouvait encore changer le monde.


Tout mon temps


Vieux Didier est retraité.

- Et de quoi comptez-vous vivre à présent ?

- De l’enlèvement de touristes français ou allemands (dont quelques épouses) et de leur traducteur, dans le sud-est de la forêt de Saint-Hubert ! On prend ce qu’on trouve ! On fonctionne au taux du jour !

Tout son temps lui appartient.


Vieux Didier va

- En fait, je n’y vais plus comme avant, je fais semblant d’y aller tous les jeudis (le jour des parties de scrabble d’Ana avec Alain Brezault) aux heures de midi mais souvent je reste à la maison et Ana ne s’en aperçoit même pas !

- Je ne m’aperçois même pas de quoi, douchka ?

au bar de l’Union quand il le veut et lorsque ça l’arrange et pour y rencontrer ceux qu’il lui plaît (Henri et Jan, Claudine et Jean-Marc, Joëlle et Carmelo, Fabrice et Hakim, Aziz, le petit

- Dont le foutu prénom continue de m’échapper, petite chérie ! Et ça ne s’arrangera jamais ! On ne peut pas, aujourd’hui, demander à quelqu’un qu’on pratique depuis toujours quel est son prénom !

Simon, le plus jeune frère de Jacques) de rencontrer.


Mais quand, sur le coup de midi, Vieux Didier descend du métro à la station « Hôtel des Monnaies », en provenance de la porte de Namur, il ne reconnait plus personne sur les quais. Et pourtant c’est l’heure de la récré (l’heure de la table du restaurant et l’heure du comptoir du bistrot) à la Régie des Bâtiments, non ?

- Non !

- Non ?

- On t’a dit non, non ?



Motema Magique raconte sa nuit à Vieux Didier


Cette nuit dernière c’est Lup qui l’a dérangée.

- Chaque fois qu’elle n’est pas réveillée, Motema Magique passe son temps à dormir !

Ilunga Lupuishi (dont on disait qu’il était, de par son nom, « Ilunga », disposé à pardonner un affront une première fois… et même une deuxième fois… mais jamais une troisième).


Lup, Hortense et les enfants habitaient une grande baraque avec un vaste jardin.

Hortense et Lup n’arrêtaient pas de se

- Et c’était toujours moi, douchka, qui devais m’occuper des enfants pendant que les parents s’engueulaient !

Disputer. Ça gueulait ferme dans la maison et on les connaissait dans tout le quartier.


Il y avait une piscine dans la parcelle familiale et un garage au fond de la piscine

Une voiture montait lentement et

sortait de la

piscine.

En ascenseur. Tout doucement. Le nez vers l’avant. Sans éclabousser personne et sans déranger les nageurs.

- Qui sortait de la bagnole, petite chérie, Lup ? Il était encore bourré ?

- Ben oui ! Et Hortense lui tirait la gueule parce qu’il avait claqué la porte de la voiture trop bruyamment à son goût !


Motema Magique quand elle dort, il lui arrive toujours des aventures pas possibles. Cette historiette de la nuit dernière est plutôt mignonne, presque tranquille…

Quelquefois, pourtant, quand elle dort, Motema Magique se bat durement.

Contre tout le monde (les flics, les machos, les curés, les patrons, les soldats qui lui appuient le canon d’une mitraillette sur le nombril) (les diables hurlants et rigolards, vêtus de plumes de perroquets, tirant la langue et faisant d’affreuses grimaces) et quand elle se réveille et qu’elle finit par « rentrer à la maison », elle s’étonne d’avoir des bleus sur tout le corps.


Dahlia (une autre) et Didier (un plus jeune) ?


Elle s’était assise sur la banquette. En face

- Je te jure qu’elle l’a fait exprès !

de lui. Il lui lançait (dans la vitre) de petits regards furtifs. Il l’écoutait (dans la vitre) échanger quelques mots avec l’accompagnateur de train. Elle se rongeait (dans la vitre) les ongles. Il trouvait ça (dans la vitre) charmant.

- Ses petites dents de dauphin ! Sa voix douce comme les fesses d’un bébé !

Elle portait (dans la vitre) un haut noir, un sac vert et un pantalon foncé. Il faisait (dans la vitre) semblant de lire un bouquin ou de jouer aux cartes (dans la vitre) avec un copain…


Et voilà que

- Trop tôt ! Juste quand j’allais essayer de lui parler !

environ dix-neuf ou trente-deux minutes après le départ de la gare des Guillemins, elle descendait

- Trop tôt ! Juste quand je m’apprêtais à lui demander son nom et son adresse !

à Esneux.

- Trop tôt ! Juste quand j’allais prendre mon courage à deux mains et lui déclarer qu’elle était la femme de ma vie !


Ça se passait dans le train de 16h22.

En septembre. Un dimanche.

Sur la ligne 43. Liège-Guillemins/Rivage/Jemelle.


Ils avaient manqué ainsi, tous les deux, Didier Beaufort et Dahlia Luxembourg, une excellente occasion de faire connaissance…

Leur vie ultérieure en aurait été profondément bouleversée : ils se seraient mariés, ils auraient vécu ensemble pendant trois, douze, vingt et un ou trente ans dans une roulotte de baraquis installée sur des blocs de béton, en bordure de l’Ourthe, avec, pour seules relations sociales, une télévision (allumée jour et nuit) et un chien à la chaîne (hurlant jour et nuit)… puis…

- C’est comme ça que se passe dans la vraie vie, non ?

ils se seraient certainement quittés et, à présent, ils vivraient seuls et bougonneraient et se gaveraient d’amertume… et ressasseraient, ressasseraient, ressasseraient, ressasseraient, ressasseraient et continueraient de ressasser et finiraient par se flinguer, non ?

Dieu, qu’ils l’ont échappé belle !


Esneux ! Esneux ! Esneux !

Mais où donc la trouve-t-on, cette brousse, cette campagne, cette cambrousse… dont le conseil communal, depuis les dernières élections, compte une majorité de femmes ?


Après Angleur, Tilff, Méry

- Arrêt non-desservi le week-end ? (1)

et Hony ?


Avant Poulseur, Rivage, Comblain-au-Pont (2)

- Arrêt fermé (compte tenu de la proximité de la gare de Rivage) pour cause de baisse de fréquentation ?

Comblain-la-Tour, Hamoir, Sy, Bomal, Barvaux, Melreux-Hotton, Marche-en Famenne, Marloie et Jemelle ?


(1) Beaufort conteste : « Le train de 16 h 22 s'arrête toujours à Méry le dimanche me semble-t-il. Mais qu'irait faire ce Didier-là dans cette région-là, dans ce sens-là, un dimanche-là ? En général, un des seuls Didier que je connaisse prend la ligne directe "Bruxelles - Esneux" (terminus Gouvy) de 17 h 40 à Bruxelles-Nord, le plus souvent le vendredi (arrivée Esneux à 19 h 04 - il faut veiller à se mettre dans les 5 premières voitures - les 3 premières pour Méry et Hony, sinon on est sur le ballast) et retour avec le train de 17h19 à Esneux (correspondance à 17h58 aux Guillemins) le dimanche. Le même train direct dans l'autre sens (Esneux - Bruxelles) quitte

- Adieu… Et même au revoir !

Esneux à 6h04 arrivée à 7h37 au Midi. Trop tôt pour moi ».


(2) Beaufort poursuit ses recherches : « Après vérification ce dimanche, je confirme que le train de 16 h 22 Liège-Jemelle s'arrête bien le dimanche aussi à Méry et à Hony. Par contre, il semble que l'arrêt de Comblain-au-Pont ait été supprimé ».


Ça fait longtemps


Motema Magique et Vieux Didier ont d’abord rendu une visite de voisinage et de courtoisie à Nzema Omba et à Antoine Tshitungu, à l’espace culturel Panafrica. Puis ils sont allés au Carrefour, chez les Bena Kadiebwe, où ils ont descendu plusieurs grandes bouteilles de bière en compagnie de Vieux Henri et de Bob Caiembe. Et de Justin et d’un pote à lui (dont Vieux Didier ne se rappellait

- Chose-là ! Tu vois qui je veux dire, non ? Mais oui ! Comment s’appelle-t-il encore déjà ?

plus le nom). Et de Junior (qui annotait un ouvrage de Vladimir Ilitch Oulianov ?)

- Et Hono ?

- Hono n’était pas là. C’est Bibiche qui faisait le service !


Motema Magique et Vieux Didier se sont ensuite arrêtés à Inzia, chez Monique Fodderie, où une serveuse

- Quel est votre goût !

élégante et boudeuse (ce n’était pas Patricia) s’est rapidement occupée d’eux. Motema Magique (de la Jupiler !) (x3) (puis de la Leffe brune !)(x2) et Vieux Didier (de la Jupiler !) (x6), ont décidé d’y poursuivre leur virée.

Ils se sont installés à la table du fond (tout près de la cuisine où Germaine

- Ça fait longtemps !

surveillait les fourneaux), une table ronde, celle de la patronne (là où, en fin de soirée, Monique boit son dernier verre et fait ses comptes de la journée) et de ses amis.

C’était hier soir (tard) ou ce matin (tôt).

Et les gens, peu à peu sont venus s’asseoir à leur table.

Et chacun a payé sa tournée (surtout Dieudonné) (et Césarine aussi) et tout le monde s’est retrouvé un peu (d’abord) et tout à fait (ensuite) saoul.

D’abord ce furent Jimmy (de la Jupiler !) (x1) et son frère Serge (de la Jupiler !) (x1) qui passaient, par hasard, rechercher la copie d’une ancienne photo de leur sœur prise chez Mamène, à Kinshasa, mais qui

- Ça fait longtemps !

ne sont pas restés plus d’une demi-heure… et n’avaient sans doute pas l’intention de se péter la gueule ou n’en avaient pas le temps…

Puis sont venus, en ordre dispersé, Kathy, la maman d’Alésia (de la Jupiler !) (x3), Dieudonné Ngangura (du vin blanc !) (x3), Césarine Bolya (de la Jupiler !) (x4), Yves Nkulufa (du whisky !) (x2) et un parent à lui (non merci, je ne bois pas !) (x1), Rachou Mpanu-Mpanu (du vin rouge ! (x2) et Arantxa (du vin rouge !) (x2).

Et Jo Rudahindwa (de la Leffe brune !) (x3).

- Ça fait longtemps !

que Motema Magique et Vieux Didier n’avaient plus vu depuis perpète…


Et Vieux Didier se demande ce qu’il serait devenu

- Ça fait longtemps !

s’il était demeuré au Congo.

Aurait-il plongé dans la rivière Nkwanza, à la frontière angolaise, pour y pêcher des diamants et aurait-il

- Ne le violez surtout pas ! Faites-lui plutôt un lavement !

été arrêté par des soldats ou des douaniers, son anus aurait-il été fouillé et ses intestins vidés et ses excréments passé au chinois pour y retrouver des pierres ? Aurait-il péri dans l’incendie et le naufrage d’une embarcation reliant Uvira à Kalemie sur le lac Tanganyika ? Bosserait-il, depuis des années, comme « mineur artisanal » dans un site d’exploitation du cuivre de Kolwezi… et les vigiles d’Anvil Mining auraient-ils expulsé de ce site tous les « creuseurs illégaux » et auraient-ils jeté

- Noyé ! Asphyxié par immersion !

un des compagnons de Vieux Didier dans un trou d'eau… et Vieux Didier aurait-il voulu venger l’assassinat son vieux pote et aurait-il mis le feu au guest-house de la compagnie sur l’avenue Lubembo au quartier Mutoshi dans la commune de Manika… et un cuisinier et un agent de sécurité se seraient-ils cachés dans le plafond du local par peur d’être molestés et seraient-ils morts calcinés ?


Vieux Didier aurait-il ensuite osé défier Dieu, Edingwe, le champion de tous les temps, en combat singulier de catch et

- La whonte à wonze heures !

aurait-il été déshabillé en public par son tout-puissant adversaire et Moto na Ngenge l’aurait-il obligé, usant de ses pouvoirs magiques et mystiques, à danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser, danser jusqu’à l’aube, jusqu’aah l’épuisement, jusqu’aaah la sortie du stade de la ville de Kikwit (où, fort heureusement, une maman charitable, vendeuse de beignets, de canne à sucre ou de kwangas, lui aurait tendu un vieux pagne et l’aurait aidé à le nouer autour de ses hanches !) ?


Vieux Didier se serait-il alors réfugié à Kinshasa et aurait-il

- On me refuse une nuit à l’hôtel !

tenté d’arbitrer

- Et en accorde une sieste à ma mbanda !

une rixe opposant deux

- Ce n’est pas honnête !

femmes rivales, le réclamant chacune comme amant… et aurait-il pris rendez-vous avec la plus fessue d’entre elles, épouse légitime d’un

- Eh, c’était bien pour cela que je l’avais choisie ! Sur les conseils de Tchim ! Pour l’honorabilité de son statut plutôt que pour ses fesses !

prêtre-sorcier catholique et mère de plusieurs enfants, à l’hôtel Kany, dans le quartier Kingabwa ? Ou à l’hôtel Yokis à Ngiri-Ngiri ?

Ou aurait-il été ce curé cocu et aurait-il armé de bâtons et de barres de fer une bande de catéchistes de la paroisse Sainte Félicité à Kisenso et les aurait-il envoyé en expédition punitive contre Satan, au quartier Boba ou au quartier Mfumu Suka, dans la commune de Masina ?


Vieux Didier aurait-il, un autre jour, été sommé de payer 10 sacs de braise et 4 sacs de maïs… et aurait-il ainsi évité de recevoir 50 coups de fouet… parce que son camion se serait malencontreusement embourbé au niveau de la ferme présidentielle de la N’Sele ?

Ou aurait-il encore été un ancien chef de milice et craindrait-il aujourd’hui d’être traduit en justice devant une cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ?


Serait-il un vieux musicien, hospitalisé dans un centre médical de fortune de la commune de Barumbu, sur l’avenue Nyanza, et y lutterait-il depuis

- Ça fait longtemps !

des jours et des semaines (méningite, hémiplégie, paludisme, alcoolisme, sida, dépression, suicide, diabète, rhumatismes, christianisme, Parkinson, Althusser

- Alzheimer !

cataracte ou sida) contre la mort ? Confierait-il alors le « titre d’occupation » de sa parcelle à un pasteur d’une église du réveil et serait-il invité à participer à une veillée de prière et à invoquer le nom de Jésus pour obtenir une guérison divine et miraculeuse ?


Mourrait-il enfin, électrocuté sur un poteau électrique, en tentant d’opérer un raccordement frauduleux à la demande des habitants d’un quartier de N’Djili souvent

- Ça fait longtemps !

frappé de délestage ?


Quel serait donc son personnage ? Dans quel fait divers s’illustrerait-il ?


Gertrude et le corbillard


Un corbillard semble hésiter et fait deux fois le tour entier de la place Hendrik Conscience…

Le chauffeur remonte la rue Maes, en direction de la rue de Venise

- On refait la toiture du numéro 25. L’ancien proprio vient de mourir ? Je le connais ? Etait-il veuf ou divorcé ? Ses enfants ont-ils déjà revendu la maison ? Combien en avait-il ?

et de la chaussée d’Ixelles. A la hauteur de la maison d’Anne-Louise Flynn et de Tony De Vuyst, le fourgon se gare en double file et le chauffeur demande son chemin à des passants.


Mademoiselle Gertrude, locataire d’un appartement situé au deuxième étage d’une maison voisine, est en train d’accrocher sa lingerie fine à une corde à linge en plastique et

- Qu’est-ce que c’est ?

se penche à son balcon et

- C’est pour une livraison ou pour un enlèvement ?

laisse un soutien-gorge rouge et un cache fri-fri tomber sur le trottoir, au pied d’un pied d’un groupe de gamins qui s’en emparent aussitôt et prennent la fuite en rigolant.


Une emplâtre


Echange copulatif, suite… mais rien ne vaudra toujours pas les dialogues de Jean-Emile et de Viviane


- Ducon : Quel est le sens de ta vie, petite chérie ? Quels sont tes objectifs stratégiques ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Maigrir et bronzer, douchka ! Faire des mots croisés, jouer au scrabble et t’empoisonner l’existence !

- Ducon : Dis-moi, petite chérie, où as-tu mis le poison, dans la salière ou dans le pot de pili-pili ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Dans la salière, douchka ! Tu sais bien que les docteurs t’interdisent de consommer de pili-pili !

- Ducon : Mais tu prends quand même des risques, petite chérie, tu pourrais te faire arrêter par la police chariatique ou les fonctionnaires du ministère du Vice et de la Vertu !

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Non, douchka ! Jamais ! J’enverrai les hiboux du pasteur Molili (le pasteur des Ténèbres !) pénétrer, vers trois heures du matin, dans les locaux de la morgue de l’hôpital Mama Yemo, fracturer les frigos et les congélateurs, identifier ta charogne, dépecer ta bidoche et t’arracher l’estomac, le foie et les intestins pour faire disparaître toutes traces de mon crime !

- Ducon : Tu me donnes la main, petite chérie !

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Non !

- Ducon : Tu me la dodonnes ta papatte, kamème, non ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Non ! Ce serait une perte de temps, je te connais, dans moins de dix secondes tu vas me la reprendre pour tourner les pages de ton journal ! Et puis j’ai très mal dormi cette nuit !

- Ducon : Ah bon ! Et quel est le rapport ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Aucun !

- Ducon : Mais qui t’a empêchée de bien dormir, petite chérie ? Qui donc s’est promené dans tes rêves, cette nuit ? Lup encore ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Un homme dont la jambe de bois était dans le plâtre !

- Ducon : Ça c’est plutôt banal…Et la nuit précédente, tu avais rencontré aussi des gens ? Qui donc ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Plein de monde ! Il y avait la Maïsa, la Mami, Marie-Marguerite, Mamushka, Moura, Agnès, etc !

- Ducon : Tous des « M », je constate… sauf Agnès…

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : Oui, la famille espagnole et la famille française ! Tu n’étais pas présent dans ce rêve-là ! Mes familles à moi, ça ne te regarde pas, douchka !

- Ducon : Tous des « M » et toutes des femmes aussi… Pas un seul mec !

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : On est comme ça dans la famille : les hommes, on les nique et puis on les jette ! Quêtés-jetés comme disait Sombo Dibele Awanan…

- Ducon : Oui, mais moi tu m’M, non ?

- La grenouille arboricole aux yeux gris-verts : On dort ensemble, douchka… Et je ne suis pas maso !


Sukina


Vieux Didier sera-t-il un grand-père indigne et plongera-t-il la sucette de Sukina dans un pot de moutarde ou de

- Le piment rouge cru est excellent (prévention du cancer, apport en vitamines C) pour la santé, non ? Et rien ne prouve qu’il favorise l’apparition d’ulcères (mais on ne le conseillera pas à ceux qui ont des hémorroïdes), non ?

pili-pili ? Et la déposera-t-il ensuite sur sa table de nuit ou sur celle de Tensia ? Ou sur celle d’Alésia ou sur celle de Princesse ? Ou

- Ay !

sur celle de Nadine ?


Moto na Ngenge


Tandis qu’Edingwe, alias Moto na Ngenge, déshabille de Lannoy lors d’un combat de catch à Kikwit… et agite son mouchoir magique

- A voté !

Tandis qu’il oblige de Lannoy à faire un tour de piste, presque nu, jusqu’à la sortie du stade…

Tandis que des pompom-girls en minijupe et en t-shirt, survoltées, font des galipettes, montrent leur petite culotte de couleur safran (pour signaler qu’elles sont toujours célibataires) et exhibent leur nombril. Tandis que les tambours battent et que les spectateurs hurlent de plaisir. Tandis que les curés, les enseignants, les factionnaires, les infirmiers et les volontaires de la Croix-Rouge, les membres du comité urbain de sécurité

- Ça fait désordre !

se demandent s’ils doivent

- Mais comment ?

intervenir

Tandis qu’ils décident qu’à l’avenir le catcheur Edingwe, alias Moto na Ngenge, ne pourra plus jamais (pour s’être rendu responsable d’actes d’immoralité et de barbarie) se produire dans la ville de Kikwit…


Vieux Didier n’arrête pas de rêver et c’est toujours Tantine Betena qui trinque


Elle n’était pas une ancienne

- Lasse de devoir expliquer à une abeille que les cerisiers ne se marient (en blanc ou en rose) qu’une fois par an ! Et qu’il n’y aura pas d’autre livraison avant l’année prochaine ! Et que les fleurs de cerisiers ne poussent pas sur les pommiers et les pruniers

fleuriste ou une ancienne

- Lasse de devoir expliquer aux promeneurs de chiens qu’on ne se parfume pas agressivement, qu’on ne marche pas pieds nus au bord de la rivière et qu’on ne porte pas de vêtements (short et gilet de corps) de couleurs vive à proximité d’une ruche ou d’un essaim d’abeilles

toiletteuse pour chiens de la rue Malibran et, l’âge aidant, n’était pas

devenue vendeuse principale d’une pharmacie de la rue Lesbroussart ou d’une boutique d’aquariums (et de rochers artificiels) des environs de la rue du Bailly. Elle n’était pas

non plus préposée aux chaises payantes de l’église Saint-Boniface (de six heures à treize heures) pendant la journée et madame pipi à l’Ultime Atome (jusqu’à minuit trente ou une heure du matin) dans la soirée (offrant des capotes et des bonbons

- Bien emballés !

à ses clients fidèles). Elle n’avait pas non plus repris la gestion du magasin de l’épicière espagnole

- Qui vendait les meilleurs boquerones de tout Ixelles ! Elle les fabriquait elle-même !

de la rue Van Aa ou de celui de la droguiste

- Dont le magasin était devenu un musée !

de la rue du Viaduc, après qu’elles aient été, l’une et l’autre, admises à faire valoir leurs droits à la retraite.

Non.

Elle s’appelait Tantine Betena et venait de lever le rideau de fer de son magasin de chats et d’oiseaux (et de litières pour chats et de graines pour oiseaux) rue de la Paix ou rue du Collège ou rue du Trône, Ou chaussée de Wavre ou chaussée d’Ixelles ou chaussée de Boendael..

Non.

Il était neuf heures. Tantine Betena a été poignardée dans le dos, à plusieurs reprises, puis

- Souhaites-tu, sœur, que je t’étourdisse avant de te plonger un couteau bien pointu dans le cou ?

- Certainement, frère… à condition que je ne meure pas avant l’égorgement… Pour que ma viande reste pure.

égorgée.

L’assassin était un âne. Il portait une capuche enfoncée sur la tête. Il ne savait même pas s’habiller. Son nez, sa bouche et son menton étaient occultés par une écharpe. Seuls ses yeux étaient visibles. Il est parti sans rien emporter. Sans même ouvrir les cages et libérer les oiseaux. Sans même donner à manger aux chats.

Nooon.

Elle s’appelait Tantine Betena.

- Arrête de t’inventer des rêves sordides, douchka, dans lesquels tu tues tout le monde ! Surtout moi ! Des rêves malsains et nauséabonds dans lesquels je n’arrête pas de me faire exciser par des matrones barbues ou violer sous des porches d’immeuble ou dans des champs de maïs par de vieux curés qui se trempent le phallus dans de l’alcool à brûler ou de l’eau bénite pour le régénérer ! Revois ta copie ! Rappelle-toi que tu es mon mari… et non pas mon assassin… ou mon proxénète…


Léon


Depuis que Léon

- Mais peut-être le service de l’hygiène de la commune d’Etterbeek est-il intervenu ? Ou les associations antiracistes ?

a fermé


Léon maîtrisait

- Où et comment avait-il appris ça ? Personne n’en savait rien…

l’art de découper la viande « à la congolaise »… Mais il détestait sa clientèle… comme l’ancien patron du Welkom, heureusement suicidé, détestait Derroll Adams et tous les autres fauchés, qui « n’avaient plus d’accès » (comme se plaignait, à la veille d’un long week-end de fêtes, un fabricant de briques en terre de Badja) et venaient bouffer « moins cher » de la soupe à l’oignon dans son bistrot de la petite rue des Bouchers… ou y manger des frites, assis, au chaud… achetées ailleurs…

Et pourtant Léon, sa vieille mère (qui se signait avant d’ouvrir son courrier) et son chat (qu’on soupçonnait de pisser sur la bidoche) n’avaient pas d’autres clients… que les Congolais… Et ils venaient de partout

- Même de France, d’Allemagne, de Hollande et du Grand-Duché de Luxembourg…

acheter la viande de Léon, Et ça (les clients) se faisait insulter et ça (le patron) se faisait engueuler et ça ( les clients et le patron) enrageait…

Mais les clients revenaient quand même…


sa célèbre boucherie de la chaussée de Wavre, on achète de la viande fumée chez Georges, au n° 24 de

- La rue des éventreurs, des étripeurs, des égorgeurs invisibles et des coupeurs de seins !

la rue Ropsy Chaudron.


Vieux Didier retrouve Zora Lee dans son jardin


Une après-midi, une sieste, un cauchemar…

Vieux Didier se réveille en sursaut et découvre une femme dans son jardin

- Ah non, pas elle encore ! Yandi ve ! Si tu ne la chasses pas tout de suite, douchka, c’est moi qui te vire !


Elle était nue. Elle était couchée dans l’herbe. Elle faisait semblant de dormir. Elle se

- A qui appartient cette femme qui dort sur ma pelouse !

laissait aimer par le soleil.

- On se tire un joint, chou ? On se sniffe un rail de coke ?

De très légers nuages vaporeux caressaient la pointe de ses seins pralinés.

Elle était belle.

- Comment t’appelles-tu ?

- Je m’appelle Zora…

- Zora comment ?

- Zora Lee…

- Es-tu aussi belle de dos ? Tourne-toi ! Montre ton cul !

Et Zora lee se retourne et fait saillir ses meules.

- Voilà, chou ! Satisfait ?

- J’ai l’impression d’avoir déjà vu cette croupe-là quelque part… avec des papillons tatoué sur les fesses… qui, aussitôt qu’on les libère, s’envolent et viennent butiner les lèvres et les braguettes des hommes…N’as-tu pas dans le temps, Zora, été mordue par un diamant du Kasaï ?


Zora Lee avait été larguée par son ancien amant et se trouvait pour l’instant au chômage… et cherchait, depuis quelques semaines, à accrocher son piercing aux oreilles

- Je sais tout faire, chou ! Tout ce que les hommes aiment que les femmes fassent pour eux : la cuisine, l’amour … et même un peu de repassage…

aux narines, à la langue ou aux rognons d’un nouvel amant ou d’un nouveau père nourricier… et n’était pas encore parvenue à ses fins.

Zora Lee larmoyait et

- Plus personne ne s’intéresse à moi, chou ! Plus aucune mouche ne succombe à mes parfums ! Plus aucune limace ne se colle à mes lèvres ! Plus aucun ivrogne ne ronfle dans mon lit…

cherchait à se faire prendre dans les bras… et consoler par ce niais de Vieux Didier…

- Qu’il me passe seulement la main dans les cheveux, le jobard… et qu’il se risque à me caresser les joues, le nigaud… à voir ses oreilles s’empourprer et à sentir ses mains transpirer, je sais qu’il est déjà cuit, le pigeon… Je connais ce type de gadjo…c’est vraiment très facile à attraper…Et comme j’ai besoin d’un petit en-cas pour les quelques jours qui viennent…


Mais Vieux Didier, hypocrite et chafouin, pressé par Motema Magique, craignant de perdre sa place et d’être viré du domicile conjugal, décide de faire l’indifférent et, pour une fois, de se montrer intransigeant.

- Ah bon ! Et que puis-je faire pour vous, madame ? Puis-je vous aider à trouver un emploi rémunérateur à la Poste ou dans l’Administration ? Dites-moi d’où vous venez, quelle vie vous avez-vous vécue et quelles sont vos expertises et quelles sont vosréférences professionnelles… Avez-vous déjà vendu sur les marchés, aux petites heures de l’aube, la pêche nocturne de votre mari (ou des boîtes de corned-beef, de sardines ou de concentré de tomates, de margarine et des oignons) ? Avez-vous habité le village d’Ilombe Moke, dans le territoire de Kutu, au Maï-Ndombe et êtes-vous venue à Kinshasa à bord d’une baleinière afin d’y écouler du poisson et de la viande boucanée ? Avez-vous été contrainte de déserter Manille ou Djakarta et d’abandonner vos propres enfants pour vous établir comme domestique à Kowloon et avez-vous été obligée de dormir dans la cuisine avec les chiens de vos patrons et de vous lever tôt le matin pour allumer le feu et préparer le petit-déjeuner des enfants des autres ? Avez-vous affronté un tremblement de terre à Java, fui l’éruption d’un volcan en Equateur, survécu à une guerre au Liban ou échappé à un tsunami en Inde ou en Thaïlande ? Avez-vous été enlevée (pendant la nuit) par des hiboux des services de sécurité de la Présidence et torturée dans les cachots de la cité de l’OUA ? Avez-vous été contrainte de mendier dans les rues du Caire ou de Dakar en portant dans vos bras un bébé, assailli par les mouches, qui n’avait même plus la force de têter ? Avez-vous dû traîner ou tirer sur les routes un chariot rempli de matelas, de couvertures, de ballots de vêtements, de casseroles, de nourriture… ou transporté dans un pousse-pousse ou une brouette un vieux papa qui n’avait même plus la force de se lever, de marcher, de boire, de manger et d’uriner ? Avez-vous déjà passé vos journées à rouir le manioc dans les eaux d’un étang, à Mikelenge, près de Kindu ? Avez-vous travaillé dans une usine de vêtements (qui fournit des chaînes de grands magasins en France, en Espagne et en Belgique) de Chittagong, au Bangladesh ? Avez-vous été la boyesse-esclave et compagne de jeux d’un sale gamin pervers chez des « expatriés » à Kinshasa… celle qui devait toujours perdre aux cartes, arroser les plantes, laver le chien, nourrir les chats… celle qui ne figurait jamais (sauf comme une chose, un décor, un signe extérieur de richesse… jamais comme une personne) dans des albums de photos de famille, celle qui devait toujours s’accuser et recevoir les coups de balai… Vous est-il déjà arrivé de pleurer de faim ? Avez-vous déjà mangé l’herbe des prés et les feuilles des arbres ?


Avec le miroir


Anacongo trompe son mari avec le grand miroir du salon.

Elle se brosse les dents, taille son crayon, répond au téléphone, remplit les cases d’un mot croisé, boit, mange, fume, chante, se déshabille, bronze et

danse devant le miroir du salon.

- Mais les flics ne te surprendront jamais à danser le ndombolo sur le capot d’une voiture en stationnement, rue Alderson, à Evere !

- Et pourquoi pas, douchka ?

- Parce que tu auras réussi à pister avant qu’ils ne se pointent, petite chérie…

Elle approche le miroir, le croise, le toise, l’apprivoise, l’aguiche, le défie, l’effarouche, l’amadoue, s’intéresse à ses états d’âme, lui caresse les cheveux, lui glisse de petits mots tendres dans l’oreille, l’invite à se trémousser sur la piste, le frôle, l’effleure, le câline, le cajole, le chouchoute, le caresse, l’enveloppe, le serre, le mâchouille, le tète, l’enlace, l’agrippe, le presse, le force, le porte, l’entraîne, le fait pirouetter, le lance en l’air comme un deuxième pagne, le rattrape, le lâche, le laisse tomber à terre, le ramasse, l’empoigne par le col de la chemise, le raille, l’affronte, le titille, le frotte, l’agace, le tourmente, l’émoustille, lui passe une minijupe taille basse ou un top sous le nez, l’esquive encore, lui plante des banderilles dans le dos, le toise, le méprise, le repousse, l’abandonne, le vire, l’élude, fait semblant de ne plus le connaître, le pousse par-dessus bord, l’envoie valser dans la rigole, regarde ailleurs…


Mais un jour, tôt ou tard, Anacongo se montrera imprudente…

Elle entrera dans un miroir (elle tendra la main vers un lointain nuage, risquera un pied dans une vague montante, sera agrippée par des jacinthe d’eau ou happée par les tentacules d’une pieuvre) qu’elle ne connaissait pas ?

Elle dansera devant le miroir des lavabos au sous-sol d’un bistrot bruxellois, dans les toilettes du Greenwich ou de l’Ultime Atome, chez des Blancs animés de mauvaises intentions ? Et le miroir se refermera sur elle ? Comme une huître ou un cercueil portable (avec roulettes et poignée de valise) ? Et elle ne pourra plus jamais en sortir ?


Un miroir s’ouvrira et se refermera. Anacongo dansera et disparaîtra, engloutie.

Et niera-t-elle, clic ! son connard de mari qui ne sait même pas danser !

Pas un geste, pas un mot, pas un regard, pas un sourire. Plus aucune tendresse. Plus aucune connivence.

- Elle était tellement belle, tellement loin, tellement ailleurs, tellement autre !

Elle s’échappera…

Vieux Didier courra sur un pont de cordages et de planches pour tenter de la rejoindre… mais les cordes se casseront et Vieux Didier tombera dans la mer et

- Ça m’emmerde un peu de mourir aujourd’hui… Je préfèrerais (il me reste quelques petites courses à faire) que ça se passe la semaine prochaine… Mais on ne me demande pas vraiment mon avis ?

s’y noyera...


Mais ne craignez rien, hein !

Rassurez-vous, hou !

Tout cela, ah !

Est, eh !

Sous, ouh !